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Le double visage d’Amour

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/13/2016 -  et 15 (La Coruna), 17 (Amsterdam), 19 (Pampelune), 21 (Essen), 23 (Madrid) janvier 2016
Georg Friedrich Händel : Partenope, HWV 27
Karina Gauvin (Partenope), Lawrence Zazzo (Arsace), John Mark Ainsley (Emilio), Emöke Baráth (Armindo), Kate Aldrich (Rosmira), Victor Sicard (Ormonte)
Il Pomo d’Oro, Maxim Emelyanychev (direction)


L. Zazzo (© Justin Hyer)


Est-ce une simple coïncidence si 1730, qui voit la création de Parténope de Georg Friedrich Händel (1685-1759) le 24 février au Kings’ Theatre, est également l’année de la parution de la comédie de Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard? Car, avec cet opéra doux-amer, Händel s’amuse tout en brossant avec finesse des personnages extrêmement attachants. Basé sur un livret originel de Silvio Stampiglia (également à l’origine de Serse en 1738 et d’Imeneo deux ans plus tard), Parténope n’a connu qu’un demi-succès lors de sa création et c’était donc une relative rareté que de pouvoir l’entendre sur scène ce soir dans le cadre d’une tournée européenne consécutive à une récente parution discographique (chez Erato), même si ce fut en version de concert.


Parténope, reine légendaire de Naples, est aimée par trois prétendants: Arsace, prince de Corinthe, Emilio, prince de Cumes qu’elle a vaincu lors d’un combat, et Armindo, prince de Rhodes. Alors que tous trois sont réunis à la cour de la reine, Armindo présente à l’assemblée Eurimène, autre jeune prince qui dit s’être échoué sur les rives proches de la ville. Or, stupeur chez Armindo qui reconnaît sous les traits d’Eurimène Rosmira, qui n’est autre que son ancienne fiancée, qu’il a depuis délaissée au profit de Parténope! A la limite d’une pièce de vaudeville, les quiproquos s’ensuivent, Eurimène prenant un malin plaisir à tester Arsace (que Parténope aime avec ferveur) qui se trouble bien vite, le mettant volontairement en porte-à-faux devant Parténope qui, comble de la difficulté, est également tombée amoureuse d’Eurimène: les prétendants sont désormais quatre! Il faut attendre la deuxième scène du troisième acte pour que tout soit découvert, Arsace avouant enfin la vérité à Parténope comme quoi il est amant d’une autre femme. Au terme d’un combat empreint de comique ordonné par la reine entre Arsace et Eurimène, cette dernière avoue à son tour être Rosmira. La fin est heureuse puisque Rosmira et Arsace peuvent s’aimer de nouveau tandis que Parténope peut aimer Armindo, qui voit enfin ses ambitions mariales couronnées. Ainsi, comme Parténope le chante d’ailleurs elle-même à la fin de la dernière scène du troisième acte: «Sì, scherza sì, Sempre Amor con doppia face, Or dà guerra, or dà la pace» («L’amour s’amuse toujours ainsi, Il a double visage, il fait tantôt la paix, tantôt la guerre»).


Alors que la partition de Händel est d’une incroyable richesse, c’est l’orchestre qui nous déçoit en premier lieu. Ou, pour être plus exact, c’est la direction du jeune et dynamique Maxim Emelyanychev (né en 1988), qui a succédé à Riccardo Minasi à la tête de l’ensemble Il Pomo d’Oro: souvent plate, elle enlève à l’orchestre une grande partie de ses couleurs, n’hésitant pas également à le brider là où on aimerait davantage de verve et d’emportements. Dès le chœur de la première scène de l’acte I, on perçoit un certain manque de dynamisme de même que l’air d’Armindo (fin de la scène 4 du premier acte) aurait sans doute mérité un accompagnement un peu plus tendu ou celui d’Arsace («Furibondo spira il vento», acte II, scène 9) un orchestre plus tonique. Pour le reste, on reste bouche bée devant les trouvailles mélodiques de Händel qui, avec un rien, parvient à instiller tout un climat d’une beauté suffocante: l’air d’Arsace à la scène 6 ou le terzetto de la scène 8 de l’acte III sont irrésistibles. Il Pomo d’Oro, qu’on a plus souvent l’habitude d’entendre dans le répertoire baroque italien (Vivaldi en premier lieu), s’avère tout de même un orchestre rompu à ce répertoire où les violons ornent à foison (l’air d’Arsace à la fin de la scène 5 de l’acte I) et les vents (cors, flûte, hautbois) savent instaurer en une seconde l’atmosphère souhaités.


Globalement, l’équipe vocale fut excellente, rappelant à qui l’aurait oublié que Parténope requiert «une distribution aussi virtuose que dotée de solides aptitudes à la comédie» pour reprendre les mots de Piotr Kaminski (Mille et un opéras, Fayard, page 584). De façon quelque peu paradoxale puisque le rôle-titre lui échoit, c’est peut-être Karina Gauvin, pourtant habituée aux personnages de premier plan dans le répertoire baroque, qui reste un peu en deçà de ce que l’on pouvait espérer. Bénéficiant d’une technique vocale à tout épreuve (l’air «Qual farfaletta» à la fin de la scène 7 de l’acte II, où le chant confine au murmure de façon totalement aérienne!) en dépit d’aigus parfois durs ou qui lui échappent quelque peu (dans son premier air par exemple, à la scène 3 de l’acte I), Karina Gauvin ne s’avère pas assez mutine durant le premier acte alors qu’elle met à l’épreuve ses prétendants avec une gourmandise non dissimulée. Pour autant, cette belle Parténope s’impose! A ses côtés, remplaçant Philippe Jaroussky qui n’avait pu assurer cette représentation en raison d’un deuil familial, le contre-ténor Lawrence Zazzo fut irréprochable. Avec une ligne de chant idéale et une voix charnue, il démontra toutes ses qualités au fil des divers airs qui lui étaient dévolus, passant avec la même aisance et la même réussite de la simplicité mélodique (le magnifique «Sento amor con novi dardi» à la fin de la scène 5 de l’acte I) à la vigueur technique («Furibondo spira il vento»). On ne peut que regretter que cet opéra n’ait pas été mis en scène car ses mimiques et sa façon de se comporter sur scène ne demandaient qu’à s’épanouir pleinement: un très grand Arsace fut présent sur scène ce soir.


Egalement excellente, la mezzo-soprano Karine Aldrich dans le double rôle de Rosmira/Eurimène. Passant avec la même réussite du rôle de Carmen à celui d’Ascanio dans Benvenuto Cellini sans oublier sa prestation par exemple dans Le Martyre de saint Sébastien, elle fait preuve d’une justesse dans le caractère et d’une véhémence dans le chant («Un altra volta ancor» à l’acte I ou «Furie son dell’alma mia» concluant la scène 5 de l’acte II) qui furent saluées par le public à chacune de ses prestations. Autre habituée du répertoire haendélien (voir par exemple ici et ici), Emöke Baráth incarnait ce soir Armindo, qui finira par épouser Parténope après avoir subi maints tourments. Elle fut également parfaite dans ce rôle, qu’il s’agisse de chanter avec toute la présence requise une sorte de lamento («Se non ti sai spiegar», acte I, scène 4), son médium étant particulièrement remarquable, ou de jouer avec les difficultés techniques de l’air «Voglio al dire mio tesoro» grâce à une ligne de chant de haute tenue et des aigus impeccablement maîtrisés. Sans omettre leurs réelles qualités, John Mark Ainsley et Victor Sicard, passé par le «Jardin des voix» de William Christie (voir ici), ont tenu leurs rôles respectifs avec professionnalisme mais ils n’auront pas autant marqué les esprits que les précédents protagonistes.


Cette représentation de Parténope, saluée avec enthousiasme par un Théâtre des Champs-Elysées comble, aura donc ravi l’ensemble des spectateurs qui auront saisi là une excellente occasion pour redécouvrir un des opéras les plus imaginatifs du Caro Sassone.


Le site de Karina Gauvin
Le site de Lawrence Zazzo
Le site de Kate Aldrich
Le site de Victor Sicard
Le site de l’ensemble Il Pomo d’Oro



Sébastien Gauthier

 

 

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