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La France à l’honneur

Berlin
Philharmonie
01/08/2016 -  et 9*, 10 janvier 2016
Ernest Chausson : Poème de l’amour et de la mer, opus 19
Claude Debussy : Danses pour harpe et orchestre à cordes
Gabriel Fauré : Requiem en ré mineur, opus 48 (version de 1900)

Christiane Karg (soprano), Sophie Koch (mezzo-soprano), Adrian Eröd (baryton), Marie-Pierre Langlamet (harpe)
Rundfunkchor Berlin, Gijs Leenaars (chef de chœur), Berliner Philharmoniker, Christian Thielemann (direction)


C. Karg (© Gisela Schenker)


Après un concert de la Saint-Sylvestre entièrement consacré à la musique française (Sir Simon Rattle ayant pour l’occasion dirigé pour l’occasion aussi bien des œuvres de Francis Poulenc et Emmanuel Chabrier que de Camille Saint-Saëns ou Maurice Ravel), l’Orchestre philharmonique de Berlin poursuivait en ce début d’année son exploration de ce répertoire avec un concert original à plus d’un titre.


Original, tout d’abord, si l’on se réfère au programme (toujours excellemment fait et riche d’informations), force est de constater que les pièces de ce concert, donné à trois reprises dans le cadre des concerts d’abonnement du Philharmonique de Berlin, sont loin de faire figure de pain quotidien pour le prestigieux orchestre. Ainsi, le Poème de l’amour et de la mer n’a pas été joué depuis le mois de janvier 1998 (soit exactement dix ans après avoir fait son entrée au répertoire de l’orchestre), les Danses pour harpe et orchestre ont été données pour la dernière fois en juin 2005 et le Requiem de Fauré n’a été joué par l’orchestre pour la première fois qu’en février 1986: c’était alors sous la direction de Carlo Maria Giulini!


Ensuite, attendait-on Christian Thielemann dans ce répertoire? A priori, non... D’où notre interrogation: comment le chef allemand, excellent interprète au demeurant des grandes fresques composées par Bruckner, Richard Strauss ou Wagner, mais parfois brusque et emphatique, allait-il se sortir de morceaux réputés au contraire pour leur finesse et leur relatif dépouillement orchestral?


Bien puisque d’emblée, on est plutôt convaincu. Il faut dire que la Française Sophie Koch, qui possède un vrai sens de la déclamation, transfigure le texte de Maurice Bouchor qui, pris au pied de la lettre, s’avère pourtant relativement inconsistant... Dans la troisième partie notamment, sa façon de chanter «Le temps des lilas et le temps des roses» était idéale, empreinte de cette douce tristesse qui nous conduit vers la conclusion du poème qui pleure un amour disparu. Signalons néanmoins que, de manière quelque peu étonnante, la prononciation de Sophie Koch n’a pas toujours été parfaite au début: il fallait bien tendre l’oreille pour apprécier la langue française mais la suite s’est avérée de bien meilleure facture. Côté orchestre, on rend les armes devant des pupitres de cordes incroyables de fluidité, de transparence, de légèreté, capables également de dramatisme, se teintant tantôt de couleurs «sibéliennes» (dans l’«Interlude. Lent et triste»), tantôt de couleurs wagnériennes tout droit sorties de L’Or du Rhin. Dirigeant de façon extrêmement mesurée, attentif à chaque instant à sa soliste, Thielemann est apparu une fois encore comme un accompagnateur de premier plan.


Il n’est pas rare que les solistes des grands orchestres soient mis à l’honneur et, comme en juin 2005 lorsqu’elle les avait données sous la direction de Sir Simon Rattle, c’est la Française Marie-Pierre Langlamet, harpiste solo des Berliner Philharmoniker depuis 1993, qui officiait ce soir pour interpréter les deux rares Danses pour harpe et orchestre à cordes (1904) de Debussy. Œuvre de dix minutes à peine, elle permet à la soliste de faire montre de toutes ses capacités techniques, notamment dans la seconde danse, «Danse profane. Modéré», aux accents hispanisants à la chaleur communicative.


La seconde partie du concert était consacrée au Requiem de Fauré dans sa version datant de 1900, pour soprano, baryton, chœur et orchestre. Pour l’occasion, la disposition des pupitres fut profondément modifiée, les seconds violons s’étant installés à gauche du chef, côtoyant ainsi leurs collègues altos (les trois contrebasses étant placées derrière ces derniers), les violoncelles occupant le centre droit tandis que les premiers violons (qui, il est vrai, n’entrent en scène que dans la troisième partie du Requiem) se voyant quelque peu relégués sur la droite afin notamment de laisser la place au baryton à l’avant de la scène. Quant au chœur, il fut classiquement disposé derrière l’orchestre, les quelque quatre-vingts chanteurs du Chœur de la Radio de Berlin occupant trois rangs pour l’occasion. Et d’ailleurs, commençons par lui, admirablement préparé par Gijs Leenaars: sans aucun doute, il fut le grand triomphateur de cette interprétation, impressionnant par son engagement (quelle force dans le «O Domine Jesu» au début de l’«Offertoire» ou dans le passage «De poenis inferni») mais aussi par sa finesse, par son murmure parfois, écouté par une salle des plus silencieuses.


Si Adrian Eröd fut décevant, sa première intervention notamment dans l’«Offertoire» («Hostias et preces tibi») ayant été handicapée par une voix quelque peu voilée et sans grande caractérisation, Christiane Karg fut en revanche parfaite dans le redoutable «Pie Jesu», préférant à une déclamation éthérée un timbre plus chaud et plus charnu. Quant à l’orchestre, il fut parfois puissant, qu’il s’agisse de l’attaque initiale du «Requiem aeternam», des cors dans le «Sanctus» ou dans l’«Agnus Dei» avant la reprise du passage «Requiem aeternam», nous rapprochant davantage des accents brahmsiens du Requiem allemand que de la volonté initiale de Fauré. De même, le recours parfois irréel aux grandes orgues de la Philharmonie (l’«In Paradisum», incroyable!) n’incitait peut-être pas toujours à l’introspection... Pour le reste, Christian Thielemann frappa par l’économie d’une gestique à laquelle il ne nous a guère habitué et par la confiance visible qu’il accorda tant au chœur qu’à l’orchestre en les laissant souvent jouer de façon totalement libre. Alors, en fin de compte, «hors sujet» Christian Thielemann? Peut-être en partie mais en définitive peu importe: fichtre, que ce fut beau!


Le site de Christiane Karg
Le site d’Adrian Eröd
Le site de l’Orchestre philharmonique de Berlin
Le site du Chœur de la Radio de Berlin



Sébastien Gauthier

 

 

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