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Vous reprendrez bien une leçon de phonétique ?

Lausanne
Opéra
12/23/2015 -  et 27, 29, 30, 31 décembre 2015, 3 janvier 2016
Frederick Loewe : My Fair Lady
François Le Roux (Higgins), Marie-Eve Munger (Eliza), Jean-François Vinciguerra (Pickering), André Gass (Freddy), Alexandre Diakoff (Doolittle), Anne-Marie Yerly (Mrs. Higgins, Mrs. Hopkins), Pier-Yves Têtu (Jamie), Jean-Raphaël Lavandier (Harry), Joël Terrin (3e Cockney), Ulpia Gheorghita (Mrs. Pearce), Sandrine Gasser (1re servante), Sandrine Wyss (2e servante), Laurence Amy (Mrs. Eynsford-Hill), Richard Lahady (Karpathy), Juan Etchepareborda (George le barman), Compagnie Igokat (ballet)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Jacques Blanc (préparation), Sinfonietta de Lausanne, Arie van Beek (direction musicale)
Jean Liermier (mise en scène), Jean-Philippe Guilois (assistant à la mise en scène), Christophe de la Harpe (décors), Coralie Sanvoisin (costumes), Jean-Philippe Roy (lumières), Igor Piovano, Kathryn Bradney (chorégraphie)


(© Marc Vanappelghem)


Pour les fêtes de fin d’année, l’Opéra de Lausanne a eu l’excellente idée de sortir des sentiers battus en programmant non pas la sempiternelle opérette de circonstance, mais une comédie musicale, en l’occurrence l’un des musicals les plus célèbres de Broadway, My Fair Lady. Malheureusement, le spectacle peine à convaincre en raison de la version choisie : chansons en anglais et dialogues en français. Une solution hybride et peu satisfaisante, car l’ouvrage de Frederick Loewe est une ode à la langue anglaise et à l’humour british. Discourir sur l’idiome de Shakespeare en français n’a guère de sens. Par ailleurs, les personnages parlent tous avec un accent différent, pourquoi pas, mais les sabirs semblent artificiels sortant de la bouche de chanteurs qui ne sont pas forcément de bons comédiens ; seule la gouaille très parisienne d’une figurante convainc entièrement, au point qu’on en vient à regretter que tous n’aient pas son talent oratoire. En outre, le changement incessant de langue sonne faux et incongru. Imaginerait-on aujourd’hui présenter, par exemple, La Flûte enchantée chantée en allemand et parlée en français ?


Abstraction faite de ce détail qui a son importance, le spectacle est enjoué et enlevé, comme il sied pour une production de fêtes. L’ingénieux dispositif scénique conçu par Christophe de la Harpe permet d’alterner sans aucun temps mort une rue de Londres et l’appartement du phonéticien Higgins. Au lever de rideau, la neige tombe, laissant suggérer que Noël n’est pas loin. Et pourtant, la comédie sera douce amère. La musique est certes entraînante et les airs joyeux, mais le metteur en scène Jean Liermier, qui vient du théâtre, a plutôt cherché à souligner la cruauté de la situation et des rapports humains : deux aristocrates font un pari « entre hommes » au détriment d’une jeune fille d’un milieu défavorisé. En outre, les leçons de phonétiques inculquées à Eliza s’apparentent à de véritables séances de torture. La scène de la course hippique à Ascot avec son défilé d’aristocrates plus vrais que nature est particulièrement réussie, avec notamment l’apparition, parmi les jockeys, de Mary Poppins sur un cheval de bois. La fin de l’ouvrage telle que voulue par Jean Liermier est un joli clin d’œil qui résume bien l’esprit de la production. On le sait, dans le musical, Eliza revient en rapportant les pantoufles de Higgins, alors que dans le Pygmalion de Shaw, qui a inspiré l’ouvrage, elle épouse Freddy, un jeune aristocrate tombé follement amoureux d’elle. Ici, Higgins, Pickering et Freddy se font face en silence, alors qu’apparaît Eliza, qui a tout loisir de choisir son prétendant, non sans tirer malicieusement la langue à Higgins.


La distribution vocale est dominée par le superbe Higgins de François Le Roux. Grincheux, mufle, misogyne, imbu de lui-même, le professeur se révèle néanmoins terriblement humain et désemparé lorsque sa créature veut le quitter. Par ailleurs, le chanteur a la classe, l’élégance et le flegme nécessaires pour incarner le phonéticien britannique, avec une diction anglaise exemplaire au demeurant, qui le ferait passer sans peine pour un sujet de sa gracieuse Majesté. Marie-Eve Munger campe une Eliza ingénue et enjouée, mais pas idiote, avec une belle voix légère et claire. Son incarnation pourrait néanmoins s’affirmer davantage. Jean-François Vinciguerra est un Pickering pince-sans-rire, alors qu’Alexandre Diakoff est un Doolittle drôle et truculent. On retient également le Freddy romantique au timbre solaire d’André Gass. Dans la fosse, Arie van Beek, à la tête du Sinfonietta de Lausanne, tient bien l’orchestre en main, mais offre une lecture un brin trop sage pour cette production de fin d’année. Espérons que sa direction se déridera au fil des représentations.



Claudio Poloni

 

 

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