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Un féerisme... wagnérien Vienna Staatsoper 11/19/2015 - et 22, 26*, 29 novembre, 1er, 4 décembre 2015 Engelbert Humperdinck: Hänsel und Gretel Adrian Eröd*/Clemens Unterreiner (Peter Besenbinder), Janina Baechle (Gertrud), Daniela Sindram*/Margaret Plummer (Hänsel), Ileana Tonca (Gretel), Michaela Schuster (Knusperhexe), Annika Gerhards (Sandmännchen, Taumännchen)
Kinder der Opernschule der Wiener Staatsoper, Johannes Mertl (chef de chœur), Orchester der Wiener Staatsoper, Christian Thielemann*/Patrick Lange (direction musicale)
Adrian Noble (mise en scène), Anthony Ward (décors et costumes), Jean Kalman (lumières), Denni Sayers (choréographie), Andrzej Goulding (video)
J. Baechle, I. Tonca, D. Sindram, A. Eröd (© Wiener Staatsoper/Michael Pöhn)
Il suffit d’en discuter avec un chauffeur de taxi pour le constater: à Vienne tout le monde à son avis sur la performance de la veille au Staatsoper. Voici désormais que le public viennois a son opinion avant le début de la représentation: Christian Thielemann, sans avoir même à lever la baguette, est accueilli par des bravos frénétiques. Il faut dire que sa personnalité, ainsi son statut autoproclamé d’héritier de la tradition des grands chefs austro-allemands, exalte les sentiments nostalgiques d’une grande partie de la population viennoise – du moins celle qui se rend aux concerts.
Le chef allemand ne décevra pas son public: sous sa direction interventionniste, l’orchestre sculpte des lignes intenses et produit des sonorités sombres. Le phrasé est élégant, travaillé mais flexible. Les Wiener sonnent comme un ensemble de chambre ce soir, et ce sont les solos instrumentaux – hédonistes et grisants – qui marquent le plus. Du pur Thielemann donc, qui ravit sans aucun doute ceux qui l’acclamaient d’avance. Si cette approche fonctionne remarquablement dans les scènes lyriques, elle enlève aussi la spontanéité dans celles où l’action burlesque devrait primer. Ce sur-contrôle permanent n’affaiblit-il pas l’allant de la pulsation? Cette obsession du legato n’étouffe-t-elle pas l’atmosphère féerique de ce conte de Noël? Prenons par exemple la valse du troisième acte «Wie duftet’s von dorten» et laissons chacun juger.
Hänsel (Daniela Sindram) et Gretel (Ileana Tonca) incarnent leurs rôles sans défaillir, mais soumis à la discipline imposée par Thielemann, leurs voix et jeux d’acteurs paraissent souvent trop murs et trop polis pour faire croire aux batifolages de la mise en scène. Il faut attendre l’arrivée du père (Adrian Eröd) pour lâcher les rênes et entrer sans retenue dans la partition; voici un chanteur impeccable, à la prononciation claire, qui sait transmettre son enthousiasme sans arrière-pensée. Les autres rôles sont un peu moins homogènes: Gertrud (Janina Baechle) est certes engagée, mais un peu juste vocalement pour projeter toute l’intensité émotionnelle qu’on peut deviner. La Sorcière (Michaela Schuster) en fait des tonnes, mais reste la plupart du temps soit inaudible soit peu compréhensible.
Si la lecture du chef peut parfois faire oublier l’atmosphère féerique du livret, la somptueuse mise en scène d’Adrian Noble la restaure pleinement. Les tableaux s’enchaînent les uns après les autres, magnifiés par des éclairages soignés et par des effets vidéo qui s’insèrent naturellement dans les décors. L’idée simple et efficace d’animer les interludes musicaux, pour replacer le livret dans un contexte de conte narré autour d’une lanterne magique, est particulièrement touchante.
Dimitri Finker
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