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Nouveau départ ? Strasbourg
Palais de la Musique
10/15/2015 - et 16 octobre 2015
Carl Maria von Weber : Die Aufforderung zum Tanz, opus 65 (orchestration Hector Berlioz)
Hector Berlioz : Les Nuits d’été, opus 7
Modeste Moussorgski : Tableaux d'une exposition (orchestration Maurice Ravel)
Eve-Maud Hubeaux (mezzo-soprano)
Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)
E.-M. Hubeaux (© Vera Markus)
Un concert de rentrée est traditionnellement un moment important pour les abonnés de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, avec de surcroît cette année un changement de directeur administratif, Francis Corpart remplaçant Patrick Minard. Marko Letonja reste heureusement le directeur musical très présent de la formation, mais on ressent nettement une nouvelle impulsion, voire une stratégie plus affirmée de reconquête d’audience. Rajeunir un public fidélisé mais qui s’est réduit en nombre de saison en saison, oser de nouvelles politiques de communication voire de billetterie (dont l’ouverture, enfin, d’un site de vente en ligne), mieux ancrer aussi l’orchestre dans la ville voire dans le champ de vision de ses décideurs politiques… un grand chantier, dont les enjeux sont en ce moment, on ne le répètera jamais assez, d’une importance vitale.
Le programme de ce premier concert est à l’image de cette nouvelle ligne : attractif, bien rond dans son système de références historiques, d’absorption facile... Pour un public d’initiés ce ne sera pas essentiellement nourrissant, mais il faut aussi savoir attirer, satisfaire voire combler ceux qui pourraient s’aventurer là par curiosité aujourd’hui, et pourraient bien se laisser contaminer demain par un virus qu’heureusement l’on sait incurable.
Rien de mieux pour présenter le savoir-faire d’un orchestre que les Tableaux d’une exposition de Moussorgski richement habillés par Ravel. Ajoutons que l’Orchestre philharmonique de Strasbourg a toujours su briller dans cette partition somptueuse, à toutes ses époques : Alain Lombard (immortalisé au disque : c’est un document à connaître), Evgeny Svetlanov... ont déchaîné là de très grands moments. Marko Letonja paraît plus prudent, occupé surtout à bien asseoir l’édifice et à contrôler les progressions avec une certaine rigueur. Orchestralement, grâce au niveau exceptionnel des premiers pupitres (et en premier lieu l’époustouflante trompette de Vincent Gillig), c’est somptueux, à défaut peut-être de prises de risque que l’on apprécierait parfois plus délirantes (une des composantes-clés de l’ouvrage, il faut bien l’avouer).
Même mesure dans L’Invitation à la danse de Weber (pour se conformer à un titre correspondant plus littéralement à l’original allemand). Marko Letonja semble avant tout soucieux d’éviter flonflons et éclats clinquants : la matière est dense, élégamment assise. C’est du ballet quatre étoiles, un rien compassé, approche qui rend cette musique presque trop respectable. Belle démonstration d’orchestre, là encore.
Au centre du concert la mezzo-soprano suisse Eve-Maud Hubeaux ouvre heureusement de vrais horizons. Après avoir constaté bien souvent que cette jeune chanteuse d’Opéra-studio dispose d’un potentiel peu ordinaire, lors de ses diverses apparitions à l’Opéra du Rhin, on est heureux de lui voir enfin confier un emploi à sa véritable mesure. Les Nuits d’été de Berlioz, rien moins, mais c’est là une marque de confiance tout à fait méritée. L’investissement des ces mélodies avec orchestre s’avère magistral : perfection de l’intelligibilité voire de l’intelligence poétique de la diction, puissance de projection, beauté intrinsèque d'une voix de mezzo-soprano très homogène sur l’ensemble de la tessiture… On parcourt ces six pièces comme un rêve éveillé, le tissu orchestral subtil entretenu par Marko Letonja participant au charme entêtant de ces moments privilégiés. Le début d’une grande carrière ? On le souhaite clairement, à cette artiste d’une envergure exceptionnelle.
Laurent Barthel
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