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Comment peut-on être Bartók ?

Paris
Philharmonie 1
10/21/2015 -  et 22 octobre 2015
Béla Bartók : Suite de danses, Sz. 77 – Concerto pour deux pianos et percussion, Sz. 115 – Concerto pour orchestre, Sz. 116
Katia et Marielle Labèque (piano), Eric Sammut, Camille Baslé (percussion)
Orchestre de Paris, Esa-Pekka Salonen (direction)


E.-P. Salonen (© Benjamin Suomela)


Il fut un temps où l’on imaginait mal Bartók dirigé par des chefs autres que Fritz Reiner, Eugène Ormandy, Antal Doráti, Georg Solti, Ferenc Fricsay... comme si sa musique était trop enracinée dans sa Hongrie natale. Certains, par exemple, reprochaient à un Karajan de l’annexer à la tradition germanique ou de le trahir par son culte du beau son. Pierre Boulez, ensuite, ébranla les certitudes : sans diriger un Bartók « hongrois », il jetait une lumière nouvelle sur sa musique, passée au crible d’une direction analytique et lumineuse. C’est de ce côté-là que penchèrent alors beaucoup de chefs de la jeune génération, tels un Simon Rattle ou un Esa-Pekka Salonen, qui vient de donner un concert Bartók à la tête de l’Orchestre de Paris.


La Suite de danses donne le ton, montrant l’intime connaissance que le Finlandais a du compositeur : on y entend aussi bien des échos du Château de Barbe-Bleue que du Mandarin merveilleux. La limpidité de la lecture n’est jamais sécheresse : il y a chez Salonen une rondeur du son, une souplesse rythmique qu’on reconnaît très vite – là où ses grands devanciers hongrois proposaient des approches plus anguleuses, plus proches des références populaires. Mais Salonen dirige bel et bien une Suite de danses, pas de la musique pure, avec parfois – au début, par exemple – des accents stravinskiens.


Le Concerto pour deux pianos et percussion convainc beaucoup moins. Parce que s’entend à travers lui la Sonate qui le précède et sonnerait plus « moderne » ? Parce que l’acoustique de la salle déséquilibre les plans sonores et avale les deux pianos des sœurs Labèque, dont on connaît depuis longtemps la proximité avec la partition ? Le chef, pourtant, sait doser les masses... Il n’empêche : les magnifiques percussionnistes de l’Orchestre de Paris raflent la mise.


Le Concerto pour orchestre est magnifique, par la maîtrise de la forme et le sens de la durée musicale. Très différent de l’épure boulézienne – non moins magnifique – entendue en décembre 2011 avec le même orchestre. Sans moins décortiquer, Esa-Pekka Salonen met ici du mystère, une vibration, accentue les réminiscences de Barbe-Bleue, rebelle à toute démonstration de virtuosité orchestrale – ou plutôt il transcende celle des musiciens, au sommet de leur forme. Il s’abandonne à la musique, refusant de se laisser corseter par la rigueur classique de la construction, préférant une approche plus narrative, avec un « Giuoco delle coppie » très dansant et un « Intermezzo interrotto » qui préfère l’humour au sarcasme. Cela dit, la direction n’élude pas la « modernité » de Bartók, celle des combinaisons de timbre en particulier, qu’émoussent des approches plus traditionnelles – les vents, parfois, sonnent comme du Janácek. Et l’euphorie jubilatoire du feu d’artifice final reste bien celle d’un hymne à la joie et à la vie.



Didier van Moere

 

 

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