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De Venise à Paris

Lille
Opéra
10/02/2015 -  et 4*, 6, 8, 10 octobre 2015 (Lille), 10, 12 janvier 2016 (Caen)
Francesco Cavalli/Jean-Baptiste Lully: Xerse
Ugo Guagliardo (Xerse), Tim Mead (Arsamene), Carlo Allemano (Ariodate), Emöke Barath (Romilda), Camille Poul (Adelanta), Emiliano Gonzalez Toro (Eumene), Pascal Bertin (Elviro), Emmanuelle de Negri (Amastre), Frédéric Caton (Aristone), Pierre-Guy Cluzeau (rôle muet)
Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction)
Guy Cassiers (mise en scène), Maud Le Pladec (chorégraphie), Tim Van Steenbergen (décors, costumes), Maarten Warmerdam (lumières), Frederik Jassogne (vidéo)


(© Frédéric Iovino)


Encore une histoire d’amour compliquée sur fond de guerre. Créé à Venise en 1654, Xerse de Cavalli a été représenté, six ans plus tard, dans la galerie Apollon du Louvre à l’occasion du mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche. Pour plaire au goût du public de l’époque, qui prisait peu le style du compositeur italien, Jean-Baptiste Lully a complété cet ouvrage avec de la musique de ballet: six entrées d’une durée de moins de deux minutes chacune. En définitive, les invités entendirent surtout du Cavalli. De plus, la tessiture prévue à l’origine pour le rôle-titre a été transposée à l’octave inférieure: il aurait été inconvenant qu’un castrat incarnât un souverain devant la Cour.


Cette production de l’Opéra de Lille, du Centre de musique baroque de Versailles et du Théâtre de Caen utilise la version parisienne mais sans chercher à reconstituer le spectacle de l’époque. La mise en scène propose plutôt une interprétation moderne, l’action se déroulant dans la réserve d’un musée, peut-être celui du Louvre – le gardien, en tout cas, ne quitte pas son siège. Laissant apparaître le mur et les cintres de la cage de scène, comme cela se fait souvent de nos jours, le dispositif ne pèse pas lourd mais le travail sur la lumière et la vidéo le rend esthétique. Le décorateur signe également de beaux costumes, légèrement anachroniques, qui évoquent l’Occident et l’Orient.


Exécutée par six danseurs devant une toile représentant la galerie Apollon et sans lien véritable avec l’opéra, la chorégraphie relève du contrepoint divertissant et n’apporte que peu de valeur ajoutée mais elle respecte le principe d’art total qui a présidé à la représentation au Louvre. Réservant peu de surprises, surtout dans la première partie, cette mise en scène bien pensée s’appuie sur une direction d’acteur guère originale mais parfaitement opérante qui confère suffisamment de vitalité à une œuvre pouvant éprouver la patience du spectateur si de moins bons artistes s’en emparent. Cohérente mais passant un peu à côté de la stratification des cultures et des époques évoquée dans le programme, la scénographie respecte cependant le raffinement de cette musique, une qualité par les temps qui courent.


La distribution n’offre à peu de choses près que des motifs de satisfaction: des voix presque aussi belles les unes que les autres et du chant élégant et expressif, trois heures durant. Ugo Guagliardo (Xerse), qui ressemble, de loin, à Jonas Kaufmann en plus jeune, et Tim Mead (Arsamene, son frère) possèdent un timbre plaisant et façonnent la ligne de remarquable façon. Soprano au tempérament affirmé, Emmanuelle de Negri se montre, elle aussi, convaincante en Amastre, fille d’Ottone, amoureuse de Xerse et travestie en homme. Emiliano Gonzalez Toro et Pascal Bertin évoluent avec le plus parfait naturel en Eumene, confident de Xerse, et en Elviro, domestique d’Arsamene, avec une touche d’humour bienvenue, tout en révélant leur incontestable potentiel vocal. Les filles d’Ariodate, interprété avec plus de puissance que de nuances par Carlo Allemano, se ressemblent comme deux gouttes d’eau sous les traits d’Emöke Barath et de Camille Poul. La soprano hongroise peaufine plus finement son chant que sa partenaire française qui révèle, en outre, un timbre un peu moins attrayant mais la prestation de cette dernière, dans un style vif et juste, s’avère plus que convenable. Frédéric Caton impose, quant à lui, sa belle voix de basse dans le rôle d’Aristone.


Toujours aussi rigoureuse et énergique, apportant des contrastes, des nuances et de la souplesse à toutes les musiques qu’elle aborde, Emmanuelle Haïm dirige un Concert d’Astrée impliqué, élégant et rachetant les brefs instants de confusion avec une sonorité séduisante. Placés plus haut que les autres dans la fosse, des musiciens complémentaires exécutent la musique de Lully à un diapason différent, comme l’indique le programme, d’autant plus exemplaire que les spectateurs peuvent se le procurer gratuitement.


Le seul titre des ouvrages représentés cette saison suffit à témoigner de l’originalité et de l’exigence de la programmation de l’Opéra de Lille, toujours aussi bien tenu par sa directrice, Caroline Sonrier: Avenida de los Incas 3518 de Fernando Fiszbein le 17 novembre, avec le désormais fameux Balcon de Maxime Pascal, Le Trouvère de Verdi du 14 janvier au 6 février, Marta de Wolfgang Mitterer du 13 au 31 mars, l’Orfeo de Monteverdi du 20 au 24 mai, dans une chorégraphie de Sasha Waltz, et Le Monstre du Labyrinthe de Jonathan Dove les 3 et 4 juin.


Le site de l’Opéra de Lille



Sébastien Foucart

 

 

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