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Un drame qui manque de souffle Liège Opéra royal de Wallonie 09/24/2015 - et 27*, 29 septembre, 1er, 3, 6 octobre 2015 Giuseppe Verdi: Ernani Gustavo Porta (Ernani), Elaine Alvarez (Elvira), Orlin Anastassov (Don Ruy Gomez de Silva), Lionel Lhote (Don Carlo), Alexise Yerna (Giovanna), Carmelo De Giosa (Riccardo), Alexei Gorbatchev (Jago)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Pierre Iodice (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Paolo Arrivabeni (direction)
Jean-Louis Grinda (mise en scène), Isabelle Partiot-Pieri (décors), Teresa Acone (costumes), Laurent Castaingt (lumières)
E. Alvarez, L. Lhote, O. Anastassov (© Opéra royal de Wallonie/Lorraine Wauters)
La saison de l’Opéra royal de Wallonie réserve quelques raretés : Le Secret de Suzanne de Wolf-Ferrari, couplé avec La Voix humaine de Poulenc, du 24 janvier au 5 février, la Messa di Gloria de Mascagni le 7 février, L’Echelle de soie de Rossini du 11 au 19 mars et Manon Lescaut d’Auber du 12 au 19 avril. Même si les précédentes représentations de l’ouvrage dans ce théâtre datent de 2001, Ernani (1844) ne compte pas parmi les opéras de Verdi les plus populaires, malgré une discographie non négligeable, mais il occupe une position plutôt enviable parmi ceux de jeunesse, contrairement à trois des quatre composés antérieurement, Oberto, Un giorno di regno et I Lombardi, qui mériteraient d’être défendus, ne serait-ce qu’en version de concert. La saison débute ainsi avec une nouvelle production de ce premier opéra issu de la collaboration entre Verdi et Francesco Maria Piave, créée à l’Opéra de Monte-Carlo l’année dernière dans une mise en scène de son directeur général, Jean-Louis Grinda, qui a exercé la même fonction à Liège de 1996 à 2007.
Voilà, de nouveau, un spectacle typique de la maison : pas d’actualisation ni de transposition, mais un décor remarquable, avec de belles toiles translucides, d’esthétiques jeux de miroir, de somptueux costumes et de splendides lumières évoquant même, parfois, Georges de La Tour. Mais la beauté et la cohérence de la scénographie ne compensent pas entièrement la consternante pauvreté de la direction d’acteur, réduite à ces éternelles poses stéréotypées vues maintes et maintes fois. La passion qui anime, en principe, ces personnages ne demeure guère perceptible à cause d’une attitude trop statique. Ne comportant, hormis cela, aucune maladresse majeure, encore que l’apparition de Don Carlo à la fin, tel un personnage de carte à jouer prête à sourire, la mise en scène a au moins le mérite de ne pas détourner l’attention de la musique. Pour apprécier ce bel opéra, cela vaut toujours mieux qu’une version de concert.
Vocalement, c’est selon. Habitant à peine le rôle-titre en première partie, Gustavo Porta offre peu de moments de beau chant, modère malhabilement la puissance, néglige souvent la ligne, dose grossièrement le vibrato. Elaine Alvarez incarne une Elvira plutôt sommaire mais la voix, aux riches possibilités, notamment dans le médium et le grave, présente un peu plus d’attraits, la soprano cubano-américaine chantant avec application mais sans aura. Annoncé souffrant, Orlin Anastassov a quand même tenu à endosser le rôle de Don Ruy Gomez de Silva ce dimanche : de la puissance, de la profondeur, une certaine idée du style, mais la basse bulgare laisse seulement entrevoir ses capacités. Dans sa période de grande maturité, Lionel Lhote, qui possède, outre une voix de toute beauté, une présence rayonnante en Don Carlo, cultive un chant de haute tenue, parfaitement assuré sur le plan du phrasé, de l’intonation, du volume – le baryton belge revient en Figaro du Barbier de Séville sur cette scène le mois prochain.
La direction racée et élégante de Paolo Arrivabeni procure de vives satisfactions. En apportant autant de force que de nuance, en contrôlant minutieusement la dynamique, impeccable dans les crescendi, et en ajustant les tempi de manière optimale, le chef rend justice à cette musique d’essence romantique, la cohésion et le fini instrumental ne laissant rien à désirer : homogénéité et souplesse des cordes, éloquence et précision des bois, autorité et constance des cuivres. Préparés par Pierre Iodice, qui remplace Marcel Seminara depuis cette saison, les chœurs se tiennent aussi bien que d’habitude.
Le site de l’Opéra royal de Wallonie
Sébastien Foucart
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