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Halles de Schaerbeek
09/22/2015 -  et 24, 25*, 27, 29, 30 septembre, 2, 3 octobre 2015
Thomas Adès: Powder Her Face, opus 14
Allison Cook (Duchess), Peter Coleman-Wright (Hotel manager, Duke, Laundryman, Other guest), Leonardo Capalbo (Electrician, Lounge lizard, Waiter, Priest, Rubbernecker, Delivery boy), Kerstin Avemo (Maid, Confidante, Waitress, Mistress, Rubbernecker, Society journalist)
Orchestre symphonique de la Monnaie, Alejo Pérez (direction)
Mariusz Trelinski (mise en scène), Boris Kudlicka (décors), Marek Adamski (costumes), Felice Ross (éclairages), Bartek Macias (vidéo), Thomasz Wygoda (chorégraphie)


(© Krzysztof Bielinski)


Durant les travaux de rénovation, la Monnaie délocalise ses productions un peu partout à Bruxelles. Après un réjouissant Elixir d’amour au Cirque royal, adaptation d’un spectacle représenté auparavant à Valence et à Madrid, une astuce a été trouvée pour monter aux Halles de Schaerbeek une production de Powder Her Face (1995) de Thomas Adès créée au Théâtre Wielki de Varsovie : placés en haut du gradin, les musiciens surplombent les spectateurs, qui doivent parfois se retourner sur leur droite pour suivre l’action, le dispositif se prolongeant de ce côté de la salle.


Déroutante au premier abord, la position inhabituelle de l’orchestre permet malgré tout d’apprécier, après un temps d’adaptation, l’orchestration sophistiquée du compositeur britannique, un des plus importants de notre temps. Quel opéra magnifique, le premier de son auteur, qui a triomphé en 2004 avec son opéra suivant, The Tempest, et qui en achève un troisième pour le festival de Salzbourg, dont la création est prévue l’été prochain. Sous la direction d’Alejo Pérez, l’orchestre, précis et concentré, en restitue les jeux de timbre recherchés et clarifie le tissu harmonique de cette œuvre au ton versatile, parsemée de références et d’allusions, notamment à Weill et à Stravinski. D’une maturité étonnante, cette composition complexe et au fort pouvoir d’évocation totalise 550 pages de partition, comme l’indique l’auteur d’un des textes du programme, d’une qualité toujours aussi exceptionnelle, malgré la désolante absence de la biographie des artistes depuis cette saison.


Le livret de Philip Hensher s’inspire de la vie de Margaret Campbell, duchesse d’Argyll (1912-1993), mariée deux fois et au centre d’un scandale retentissant en Grande-Bretagne, son second époux l’ayant poursuivie en justice et répudiée pour avoir entretenu des relations sexuelles avec un nombre hors du commun de partenaires. Le duc a en effet découvert des polaroïds qui ne laissent planer aucun doute sur la vie sexuelle de son épouse nymphomane dont un la représentant nue en train de pratiquer une fellation sur un inconnu dont l’identité a fait l’objet de nombreuses suppositions – le programme ne reproduit pas cette photographie. Cette aristocrate trop licencieuse et libérée pour son époque meurt dans la solitude après avoir passé les dernières années de sa vie dans une chambre d’hôtel.


Le livret utilise le procédé, rare à l’opéra, du flash-back, principe que la mise en scène exploite habilement mais Mariusz Trelinski, qui a proposé, il y a deux ans et demi, à la Monnaie une relecture anticonformiste de Manon Lescaut, aurait pu souligner davantage, encore, l’obsession sexuelle de cette beauté notoire. Mais quelques scènes, en particulier celle dans laquelle la duchesse copule sauvagement avec un employé de station-service sur le capot d’une voiture, s’avèrent suffisamment explicites. Insatiable, elle se rendra ensuite, encore titubante, et sans avoir remis sa petite culotte, chez des gigolos qui se contorsionnent dans une cage de verre, une idée qu’un Warlikowski aurait pu avoir.


Grâce à une direction d’acteur au scalpel, les personnages prennent corps. Le librettiste a imaginé que trois chanteurs en interprètent chacun plusieurs : en seconde partie, l’étau se resserre cruellement sur la duchesse, successivement répudiée par son mari, accusée par le juge et poursuivie par le directeur de l’hôtel, réclamant le paiement des arriérés, tous trois incarnés, par un Peter Coleman-Wright convaincant. La brillante Kerstin Avemo campe une savoureuse galerie de portraits, crédible aussi bien en téléspectatrice de la classe populaire qu’en domestique sexy ou en présentatrice déjantée ; une talentueuse actrice doublée d’une formidable chanteuse, agile dans les vocalises, impeccable dans les aigus. La physionomie de Laurent Capalbo l’autorise à se glisser naturellement dans la peau de divers individus mais sa prestation demeure plus en retrait par rapport à celles de la soprano suédoise et d’Allison Cook, mezzo-soprano épatante et au caractère trempé, qui incarne une duchesse à la fois classe et pathétique, humaine et bestiale. Le caractère hautement abouti de ce spectacle captivant compense largement l’inconfort et l’étroitesse des sièges en plastique de cet ancien marché couvert.



Sébastien Foucart

 

 

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