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Quarante doigts pour Amériques

Strasbourg
Salle de la Bourse
09/17/2015 -  
Claude Debussy : Nocturnes: «Nuages» (transcription pour deux pianos de Maurice Ravel) [1]
Igor Stravinsky : Le Sacre du printemps (version pour piano à quatre mains) [2]
Maurice Ravel : La Valse (version pour deux pianos) [3]
Edgar Varèse : Amériques (transcription pour quatre pianistes) [4]

Wilhem Latchoumia [1], Cédric Tiberghien [2], Marie Vermeulin [3], Vanessa Wagner [1 à 4] (piano)


(© G. Chauvin)


Ce concert à huit mains s’est beaucoup promené dans l’Hexagone cette année, à l’initiative de Vanessa Wagner qui a pu fédérer autour de ce projet l’enthousiasme de trois autres jeunes pianistes français. L’idée est partie de l’exhumation, dans un fond de partitions et d’archives déposé à la fondation Sacher à Bâle, d’une transcription pour deux pianos à quatre mains d’Amériques de Varèse, par le compositeur lui-même. Réduction opportuniste, en vue de mieux diffuser une œuvre d’un format original incommode, ou au contraire création à part entière voire autre point de vue possible sur un chef-d’œuvre ? La seule solution pour le savoir était de s’y confronter directement, et ensuite de diffuser ce travail vraisemblablement lourd au cours d’un programme de concert pour lequel le fil rouge s’est vite révélé évident : la transcription d’autres grandes œuvres symphoniques au XXe siècle.


Pour l’étape de ce quatuor de pianistes à Strasbourg, il aurait été logique d’inclure aussi dans le programme, comme en juillet dernier au Festival Olivier Messiaen à La Grave, le bref et dense Styx pour deux pianos à quatre mains de François-Bernard Mâche, a fortiori dans le cadre d’un festival dédié à la musique contemporaine comme Musica. Ici les quatre interprètes ne sont simultanément sollicités que pour Amériques. Le reste du temps ils ne jouent que par deux, pendant que les autres tournent les pages. Vanessa Wagner est aussi la seule des quatre à se produire continuellement, laissant Wilhem Latchoumia et Marie Vermeulin faire davantage tapisserie, alors que le jeu de ces derniers ne les classe de loin pas comme les pianistes les moins intéressants du lot.


La pièce de résistance du concert, au demeurant, reste Le Sacre du printemps, dans cette version pour piano à quatre mains qui servit à Stravinsky de première ébauche présentable, voire de maquette de travail pour les répétitions chorégraphiques de Nijinsky. En 1912, lors d’un déchiffrage dans le salon de Louis Laloy, Stravinsky tenait la partie supérieure avec à sa gauche Claude Debussy ! Pour ce dernier était-ce vraiment une lecture à vue ? L’histoire ne le dit pas, mais la révélation de tant de sauvageries nouvelles laissa paraît-il sidérés les deux interprètes ainsi que leur petit public privilégié. Avec Vanessa Wagner et Cédric Tiberghien la lecture reste un rien sage, certains tempi très posés paraissant davantage alourdir que clarifier. Cela dit la performance technique demeure époustouflante. Encore que l’on puisse regretter qu’elle ait été répartie sur deux pianos, symétrisation qui permet d’échapper à certains croisements de bras inconfortables quand les pianistes doivent jouer cette partition côte à côte, mais qui dissémine excessivement les timbres au détriment de davantage d’homogénéité et de cohésion rythmique.


Dans la subtile réduction de «Nuages» de Debussy par Maurice Ravel, Wilhem Latchoumia parvient à équilibrer ses sonorités avec celles, toujours impressionnantes et tranchées, de Vanessa Wagner. Alors que dans la version à deux pianos de La Valse de Ravel, Marie Vermeulin éprouve davantage de difficultés à imposer son jeu particulièrement sensible et souple face au maelström sonore qui arrive d’en face.


Dans Amériques de Varèse les quatre artistes se retrouvent enfin à armes égales, pour un résultat compliqué et bizarre, sorte de chorégraphie où le jeu et les attitudes diverses de chaque pianiste, tentant chacun de garder une cohésion à l’ensemble, font partie intégrante du spectacle. Que l’on obtienne là réellement une œuvre majeure reste cependant sujet à débat, tant les timbres de l’orchestre font partie intégrante de l’ambiance trépidante d’Amériques et se laissent mal réduire à ces états d’épure schématique, même brillamment reproduits.



Laurent Barthel

 

 

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