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Variations intellectuelles

Paris
Théâtre des Abbesses
09/19/2015 -  
Johann Sebastian Bach : Variation Goldberg, BWV 988
Benjamin Alard (clavecin)


B. Alard


Qu’il doit être intimidant de s’attaquer à un monument comme les Variations Goldberg dont les interprétations sont innombrables, qu’elles soient jouées au piano, au clavecin, à l’orgue, voire par un trio à cordes ou même un orchestre comme il en existe quelques adaptations! Bien éloignées de ses premières pièces pour le clavecin que furent le Notenbüchlein ou même le Premier Livre du Clavier bien tempéré, Bach composa ses Variations Goldberg au soir de sa vie (l’œuvre est semble-t-il une commande passée par un de ses anciens élèves, Johann Gottlieb Goldberg, vers 1740), insérant dans cette Aria inaugurale et ses trente variations (avant que la première pièce ne soit reprise, bouclant ainsi la boucle de la plus belle manière) tout ce que son génie avait pu créer au fil des années précédentes au service du clavier.


C’est donc au tour de Benjamin Alard, jeune – il est né en 1985! – et talentueux organiste et claveciniste, de se frotter à ce véritable monument dont les multiples facettes ne cessent de fasciner. Dans une concentration intense, réclamant le silence le plus absolu, les premières et si célèbres notes purent s’épanouir au sein d’un théâtre des Abbesses bien rempli en ce samedi après-midi. Or, ce qui surprend d’emblée dans l’Aria, c’est la raideur du jeu. Dès les premiers trilles et diverses appogiatures, les ornementations semblent artificielles tant elles sont attendues car annoncées par les notes qui précèdent: point de surprise ou même de spontanéité ici puisque, au contraire, tout semble avoir été patiemment travaillé, décortiqué, calculé même. On pourrait presque croire au contresens car, si certaines œuvres de Bach réclament effectivement cette objectivité (on pense au Second Livre du Clavier bien tempéré), il est plus étonnant de jouer ainsi les Variations Goldberg et c’est pourtant cette même approche mécanique que l’on retrouvera par exemple dans les septième et onzième variations ou, auparavant, dans la très belle cinquième variation, la main gauche s’y faisant par ailleurs quelque peu trop présente.


Or, heureusement pour nous, Benjamin Alard connaît son Bach et, contrairement à d’autres interprètes qui auraient presque tendance à les présenter comme autant de petits morceaux se suffisant à eux-mêmes, il a choisi d’aborder ces Variations comme un tout, les dotant d’une unité qui contribue à en faire le chef-d’œuvre qu’elles n’ont cessé d’être. Et c’est ainsi que les mains de Benjamin Alard se mettent, au fil de l’interprétation, à courir davantage sur le clavier (le visage du soliste s’animant alors, certes en de très rares occasions, d’une sorte de léger abandon), réussissant parfaitement à jongler entre les graves et les aigus dans la quatorzième variation, abordant l’Ouverture (seizième variation) avec une vraie liberté, liberté que l’on trouve magnifiée dans la dix-neuvième variation, la légèreté innervant enfin les deux mains du musicien et s’accomplissant véritablement dans l’enchaînement avec la vingtième variation.


Chaleureusement salué par un public admiratif, Benjamin Alard donna en bis une Chaconne en ré mineur de Louis Couperin avec, cette fois-ci, la liberté souhaitée, qui faisait donc quelque peu défaut à une vision extrêmement bien faite et sans nul doute aboutie mais, en fin de compte, un peu trop intellectualisée des Variations Goldberg.



Sébastien Gauthier

 

 

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