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Saint-Céré

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Farce

Saint-Céré
Prudhomat (Château de Castelnau)
08/01/2015 -  et 5, 10*, 12, 14 août 2015 (Saint-Céré), 4, 5 (Clermont-Ferrand), 15 (Mérignac), 18 (Le Chesnay), 22 (Coignières) mars 2016
Giuseppe Verdi : Falstaff
Christophe Lacassagne (Falstaff), Marc Labonnette (Ford), Laurent Galabru (Fenton), Valérie MacCarthy (Alice Ford), Anaïs Constans (Nanette), Sarah Laulan (Mrs. Quickly), Eva Gruber (Meg Page), Jacques Chardon (Bardolphe), Josselin Michalon (Pistolet), Eric Vignau (Dr. Caius)
Chœur et Orchestre du festival de Saint-Céré, Dominique Trottein (direction musicale)
Olivier Desbordes (mise en scène), Patrice Gouron (décors, costumes, lumières), Laure Bouju (costumes)




Entamé ces dernières années, le rapprochement entre les festivals de Figeac et de Saint-Céré se poursuit: le théâtre et l’opéra, séparés de 40 kilomètres seulement, sont désormais associés jusque dans une affiche commune où des lèvres se partagent entre le vert, pour l’un, et le rouge, pour l’autre. Bien au-delà de la seule communication, ce sont surtout, comme le proclament dans leur éditorial Michel Fau et Olivier Desbordes, les deux directeurs artistiques, «deux festivals pour un projet artistique unique»: ces lèvres invitent sans ambiguïté au plaisir et au sourire, mais, comme il s’agit toujours, dans ces festivals lotois, de donner aussi à réfléchir au public, «un sourire offensif, revendiquant la liberté, utilisant l’ironie, la satire, la tendre moquerie, la bouffonnerie comme des armes contre les drapeaux noirs de l’ignorance!».


A Saint-Céré, la trente-cinquième édition du festival, du 30 juillet au 15 août, s’inscrit donc dans cet état d’esprit, avec, dans le domaine lyrique qui a fait la renommée de la manifestation, une nouvelle production de La Périchole et Falstaff. La programmation est complétée, comme toujours, en diverses salles et églises du département et de la Corrèze voisine, par des propositions éclectiques – L’Histoire du soldat, la Passion selon saint Jean (avec le chœur du stage de chant choral), Nicole Croisille, des canciones de García Lorca, des chants séfarades, des musiques tziganes, des récitals et des concerts de musique de chambre – sans compter les sept rendez-vous gratuits du festival «off» à 14 heures ou à 18 heures.


Tout séjour au festival se doit d’inclure une soirée au château de Castelnau-Bretenoux (XIIe-XVIIe), situé à une petite dizaine de kilomètres à l’ouest de Saint-Céré et légué à l’Etat par le ténor Jean Mouliérat (1879-1932): à la faveur des douces nuits estivales, les spectacles s’y donnent à la belle étoile – parfois filante, en cette période de l’année – dans un cadre à nul autre pareil. La météo n’a cependant pas toujours été de la partie en cette deuxième semaine d’août: le dimanche, la troisième et dernière représentation (après Cahors puis Figeac) du spectacle «Nougaro, le jazz et moi» de Nicole Croisille a ainsi dû se replier sur la Halle des sports saint-céréenne. Eût-il d’ailleurs aussi bien fonctionné que dans cette salle certes dépourvue du moindre charme, mais peut-être plus propice à l’intimité et à la confidence? Toujours est-il qu’à bientôt soixante-dix-neuf ans, la chanteuse de variété, de retour à Saint-Céré après Cabaret en 2014 et quelques semaines avant de se lancer dans L’Opéra de quat’sous, a brûlé les planches devant un public conquis – pas toujours d’avance – par un véritable show de plus d’une heure et demie, animé par un fin trio: le pianiste (et arrangeur) Aldo Franck, le batteur (et claviériste) Daniel Ciampolini – oui, l’ancien percussionniste de l’Intercontemporain! – et Dominique Bertram à la guitare basse. Deux volets se succèdent sans interruption: l’hommage à l’ami Nougaro, le Toulousain – presque un régional de l’étape –, le poète, le prestidigitateur des mots, l’aficionado du jazz et, affectueusement, le «taureau» de la chanson française; puis une rétrospective d’une petite dizaine de ses plus grands succès, se concluant a cappella, après une ovation debout, par Au revoir et merci (de Roland Vincent et Jean-Loup Dabadie), moment vécu en intense communion avec des spectateurs figés par l’émotion et la reconnaissance.



C. Lacassagne (© Nelly Blaya)


Mais le lendemain, le plein air reprend heureusement ses droits et la magie du lieu opère de nouveau. Voici dix ans, Olivier Desbordes mettait en scène Falstaff (1893). «Un pur régal»: ConcertoNet avait alors salué «une mise en scène intelligente, drôle et inspirée» ainsi qu’«une distribution de chanteurs qui ne manquent pas d’enthousiasme et d’ardeur». Cette année, le retour de l’ultime opéra de Verdi dans une «nouvelle création d’après la production de 2005», en coproduction avec le Centre lyrique Clermont-Auvergne, suscite le même enthousiasme, car le concept n’a visiblement pas changé, même s’il ne fait pas de doute que des aménagements de détail y ont été apportés.


D’emblée, avant même l’entrée du chef, les acolytes de Sir John et le docteur Caius donnent le ton – farcesque, rabelaisien, voire trivial – et ce fil reste tendu jusqu’à la fameuse fugue finale sur les mots «Tutto nel mondo è burla». Car dans le monde de ce Falstaff, tout est farce, tout est théâtre: au deuxième acte, par exemple, le vieux chevalier met en scène ses propres apparitions derrière un petit rideau rouge – mais lui-même ne semble pas trop croire à ce rideau grandguignolesque. Et les personnages, tout en se conformant aux canons vestimentaires de l’époque élisabéthaine, avec robes à paniers, fraise et couvre-chefs particulièrement soignés, tiennent aussi de la commedia dell’arte – même les musiciens de l’orchestre, en contrebas derrière le plateau, sont habillés en saltimbanques.


Autour d’une de ces grandes tables-tréteaux telles qu’on les aime à Saint-Céré – comment oublier celle des Contes d’Hoffmann en 2008? – l’action se déploie sans baisse de rythme: tout est théâtre, donc tout est artifice, mais en même temps, à Castelnau, les conditions n’autorisent que peu d’artifices. Rien de tel pour stimuler Olivier Desbordes, qui, en homme de théâtre qu’il est, insuffle à cette production la vigueur, le dynamisme, la bonne humeur des premiers temps de l’histoire de l’art dramatique.


Tout raffinement n’est pas exclu, tant s’en faut: nullement dupe de son propre jeu, Falstaff se présente ainsi sous un jour à la fois ridicule et touchant. Quant à la fable, elle a une morale: à l’issue de la scène finale dans la forêt de Windsor, le séducteur déchu se dépouille de sa couronne, de ses bois et de ses oripeaux de bouffon pour en revêtir l’épouvantail qui tenait lieu de chêne: c’est seulement ainsi devenu (ou redevenu) lui-même qu’il semble enfin rencontrer quelque succès auprès d’une Mrs. Quickly désormais tout à fait disposée à lui accorder ses faveurs.


Bref, plus que jamais, Falstaff ici est une «comédie lyrique», du théâtre en musique, impression qu’accentue peut-être le recours à la version française du livret: excellente initiative afin d’éviter aux spectateurs peu familiers de l’ouvrage la médiation d’un surtitrage, pour peu – et c’est très généralement le cas – que les chanteurs fassent l’effort d’articuler le texte et ne soient pas amenés à chanter dos aux gradins. Ceux-ci conjuguent – condition sine qua non à Saint-Céré! – qualités vocales et prestance scénique, à commencer par Christophe Lacassagne, fine incarnation du rôle-titre. On aura également peine à prendre ses partenaires en défaut: Marc Labonnette, Ford subtil et solide, Laurent Galabru, Fenton léger mais bien chantant, et, chez les femmes, Valérie MacCarthy, Alice de caractère, Anaïs Constans, Nanette aux aigus un peu blancs quoique toujours précis, mais aussi Sarah Laulan et Eva Gruber, respectivement Meg et Mrs. Quickly au tempérament bien trempé. Dans des emplois résolument comiques, le Bardolphe de Jacques Chardon, le Pistolet de Josselin Michalon et le Docteur Caius de l’incontournable Eric Vignau font mouche. Dominique Trottein, à la tête, comme souvent à Saint-Céré, d’une formation vaillante à l’effectif quelque peu réduit par rapport aux exigences de la partition originale, est à l’unisson de cette production, dynamisant sans relâche le discours tout en veillant avec succès à une mise en place particulièrement délicate.


Le site du festival de Saint-Céré
Le site de Christophe Lacassagne
Le site de Marc Labonnette
Le site de Valérie MacCarthy
Le site d’Anaïs Constans
Le site de Sarah Laulan



Simon Corley

 

 

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