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Une farce sérieuse

Oviedo
Teatro Campoamor
07/31/2015 -  et 1er août 2015
Giuseppe Verdi : Falstaff
Kiril Manolov (John Falstaff), Federico Longhi (Ford), Eleonora Buratto (Alice Ford), Isabel de Paoli (Mrs. Quickly), Anna Malavesi (Meg Page), Damiana Mizzi (Nanetta), Matthias Stier (Fenton), Giorgio Trucco (Docteur Caïus), Matteo Falcier (Bardolph), Graziano Dallavalle (Pistola), Ivan Merlo (L’aubergiste de la Jarretière), Michael d’Amiano (Robin, page de Falstaff), DanzActori Ensemble de Ravenne
Cristina Mazzavillani Muti (mise en scène), Vincent Longuemare (lumières), Ezio Antonelli (scénographie), Alessandro Lai (costumes), Davide Broccoli (projections)
Coro del Teatro municipale di Piacenza, Corrado Casati (chef de chœur), Orchestra giovanile Luigi Cherubini, Riccardo Muti (direction)


Le Théâtre Campoamor (© Stéphane Guy)


Le grand événement de l’été musical d’Oviedo est indéniablement ce Falstaff (1893) de Giuseppe Verdi (1813-1901) dirigé par Riccardo Muti, prix Prince des Asturies en 2011, et déjà venu à plusieurs reprises à Oviedo (en 1999 pour l’inauguration de l’auditorium, puis en 2007 et 2011). Pour l’occasion, Riccardo Muti dirige l’Orchestre de jeunes Luigi Cherubini, qu’il a fondé en 2004, tandis que sa femme, l’ancienne cantatrice Cristina Mazzavillani, est responsable de la mise en scène. La production, qui rassemble finalement de gros moyens (cent cinquante personnes), vient de Ravenne où elle a été montée dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Verdi avec le soutien de la région Emilie-Romagne. On relèvera que le maestro, après ses deux seules exécutions de Falstaff en Espagne, à Oviedo, dirigera Ernani, autre œuvre de Giuseppe Verdi, au festival de Salzbourg. C’est dire que l’été sera très verdien et très actif pour Riccardo Muti dont les soucis de santé paraissent oubliés et qui vient de fêter, dans la capitale des Asturies, ses soixante-quatorze ans.


Falstaff est l’opéra d’un homme de quatre-vingts ans qui démontre qu’il est encore capable d’étonner, de changer complètement de registre en abordant la comédie pour la première et dernière fois, et d’innover et de se parodier lui-même. Riccardo Muti montre de son côté, une nouvelle fois, qu’il est le maître incontestable du répertoire verdien.


Kiril Manolov, baryton bulgare qui a le physique de l’emploi (1,98 m et 150 kg d’après la presse locale), immense comme le cœur de Falstaff, tient remarquablement le rôle-titre sans en faire trop d’une agilité physique comme vocale. Sa voix est parfaitement tenue quel que soit le registre, donc y compris lorsqu’elle doit être celle d’un fausset au premier acte. Les autres chanteurs sont du même niveau. Aucun ne détonne. La scène des filles fleurs du troisième acte est peut-être la moins réussie mais l’homogénéité des voix reste étonnante de bout en bout. On ne pouvait qu’être sensible aux graves profonds comme des abîmes d’Isabel de Paoli en Mrs. Quickly, peste à souhait, et à la voix lumineuse de Matteo Falcier en Bardolfo ou à la clarté et la chaleur de celle de Matthias Stier en Fenton, Eleonora Buratto étant de son côté une Alice tout à fait craquante dans sa robe rouge et Anna Malavesi une commère impayable.


La mise en scène, économique, retient le parti pris des projections fixes pour camper le décor. Le résultat pour la première scène des deux premiers actes, qui se déroule dans la même taverne, est mitigé, les chanteurs étant bariolés par les barriques projetées, de façon assez floue au demeurant, sur le fond de scène ou les côtés. Le résultat est plus convaincant dans la deuxième scène du premier acte, faisant penser à quelque embarquement pour Cythère, pour la première scène du troisième acte avec une projection de la maison natale de Verdi à Busseto et surtout dans la dernière scène qui revêt, alors par ses couleurs se mêlant à ceux des costumes, quelque chose relevant de Jackson Pollock, la profondeur de la scène étant comme écrasée par des langues de tissu ou de papier tombant comme des stalactites. S’il y a beaucoup d’agitation inutile dans la première scène, le reste est mené sans excès et sans aucune faute de goût.


La direction musicale est à l’avenant. Toujours d’une incroyable précision et d’une distinction hors pair. Rien ne vient laisser penser qu’on est en présence d’un orchestre de jeunes et Riccardo Muti mène le final du premier acte comme la fugue finale du troisième de façon impressionnante avec un grand soin accordé à l’équilibre des ensembles vocaux. La farce est dirigée avec un sérieux ne laissant aucune place à l’à-peu-près. On aimerait voir une production espagnole de ce niveau à Oviedo.


Il reste à regretter que le Théâtre Campoamor n’ait pas été complètement rempli ce 31 juillet pour assister à un spectacle aussi remarquable, largement italien, et que les comptes laissent peu présager le renouvellement d’un événement musical de cette ampleur : le coût des deux spectacles donnés s’élève à 580 000 euros et les 1 900 entrées n’ont rapporté que 200 000...



Stéphane Guy

 

 

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