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Prémonition

Paris
Salle Pleyel
03/21/2001 -  et 22 mars 2001
Richard Strauss : Métamorphoses pour cordes
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 40, K. 550
Béla Bartok : Concerto pour piano n° 2, sz. 95

Pierre-Laurent Aimard (piano)
Orchestre de Paris, David Robertson (direction)

David Robertson fait partie de cette génération de chefs (tels Salonen, né comme lui en 1958, ou Saraste) qui abordent le répertoire dans un souci constant de renouvellement, grâce à leur aisance dans la musique du XXème siècle (Robertson, par exemple, a été directeur musical de l’Ensemble intercontemporain entre 1992 et 2000) et à la lumière des acquis de l’interprétation « sur instruments anciens ». Et le programme proposé était particulièrement stimulant, jusque dans l’ordre inhabituel dans lequel sont données ces trois œuvres de dimension comparable.


Restituant fidèlement la polyphonie extrêmement complexe (vingt-trois parties réelles) des Métamorphoses (1945) de Strauss, Robertson conçoit cette œuvre comme un regard nostalgique sur le post-romantisme plutôt que comme une déploration tragique inspirée par la gravité de l’heure. Elle acquiert de ce fait une dimension narrative inattendue : comme s’engourdissant progressivement dans une méditation, le compositeur semble submergé les souvenirs heureux du temps passé ; la musique prend alors de faux airs de Nuit transfigurée, mais le rêve finit par se dissiper, avec les échos du thème longtemps éludé (celui de la Symphonie héroïque, une Vie de héros, forcément).


Interpréter une symphonie à la fois aussi célèbre (murmures dans la salle dès l’énoncé des premières mesures) et aussi délicate que la Quarantième de Mozart relève aujourd’hui de la gageure. Robertson ne refuse pas l’obstacle et choisit même d’aller résolument de l’avant, à la fois dans ses tempi (rapides, au point que l’andante en devient parfois heurté) et dans son approche stylistique, qui tient plus de la rhétorique et de la pensée organique de Haydn ou Beethoven que de l’émotion, de la mélodie et de la poésie associées d’ordinaire à Mozart. Cette vision d’une grande cohérence culmine dans un véhément allegro assai final, joué, comme pour mieux souligner la structure, avec toutes ses reprises.


Bien qu’il soit donné au même endroit à trois jours d’intervalle par des interprètes différentes (en l’espèce, Cédric Tiberghien, l’Orchestre national d’Ile-de-France et Jacques Mercier dès le 24 mars), le Deuxième concerto de Bartok, aussi spectaculaire soit-il, n’apparaît pas si souvent à l’affiche. Pierre-Laurent Aimard, ovationné par le public et par l’orchestre, sera contraint de concéder en bis le bref et survolté Avec fifres et tambours (extrait de la suite En plein air), tant, auparavant, il aura survolé les difficultés techniques de cette partition avec son aisance habituelle et un engagement de tous les instants. Mais ce ne fut pas pour en donner la traditionnelle lecture néo(-classique) et rayonnante. Au contraire, à l’unisson avec Robertson, c’est une modernité expressionniste, sombre et violente qu’il restitue : l’adagio acquiert une dimension plus tragique que nocturne ; même l’allegro molto final résonne de hurlements et de marches grinçantes. Juste prémonition : Bartok et Hans Rosbaud ont créé ce concerto le 23 janvier 1933 à Francfort. Une semaine après, Hitler accédait au pouvoir et, douze ans plus tard, cette période noire trouvait en quelque sorte un épilogue musical dans les Métamorphoses de Strauss.




Simon Corley

 

 

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