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Voix en pépinière

Strasbourg
Opéra national du Rhin
07/03/2015 -  et 4 juillet 2015
Domenico Cimarosa : Il matrimonio segreto
Nathanaël Tavernier (Geronimo), Rocío Pérez (Carolina), Gaëlle Alix (Elisetta), Lamia Beuque (Fidalma), Peter Kirk (Paolino), Jaroslaw Kittala (Comte Robinson)
Orchestre symphonique de Mulhouse, Patrick Davin (direction)
Christophe Gayral (mise en scène), Camille Duchemin (décors), Cidalia Da Costa (costumes), Christian Pinaud (lumières)


(© Alain Kaiser )


Aboutissement d’une riche tradition d’opera buffa italien du XVIIIe siècle et timide anticipation du dynamitage effréné du genre que réussira ensuite Rossini, Le Mariage secret de Cimarosa s’apprécie à l’aune de cet environnement historique là, et pas du tout en effectuant des comparaisons avec Mozart, génie quant à lui inclassable. Dans la distribution de la création de l’ouvrage, en 1792 à Vienne, on trouvait deux des chanteurs qui participèrent deux ans plus tôt, et au même endroit, aux premières représentations du Così fan tutte de Mozart, mais les parentés s’arrêtent là. Cimarosa sait tendre des ressorts comiques, manie les ensemble avec un sens très sûr des trajectoires combinées, mais ses mouvements d’horlogerie restent prévisibles et son langage harmonique sans histoire. Qu’importe, avec de bons chanteurs et un bon chef il y a encore là matière à passer une soirée agréable, même si le succès fulgurant que connut ce Mariage secret lors de la création, voire au cours de la première moitié du XIXe siècle, où quasiment toutes les plus grandes voix italiennes du moment l’ont chanté, laisse songeur aujourd’hui.


Pour de jeunes chanteurs, tels ceux de l’Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin, l‘occasion est belle pour se confronter à un ouvrage de grandes dimensions, en composant des personnages de comédie sur la durée, en participant à de nombreux ensembles et en s’exerçant à maîtriser une écriture vocale exigeante mais sans difficultés majeures. Il aurait été certainement imprudent de les lancer dans un Così, ouvrage qu’ils chanteront certainement tous un jour. Mais ici ils sont déjà à la hauteur de leur tâche, même si on en reste encore, il faut le rappeler, à un travail d’école, forcément perfectible.


Six personnages appartenant à deux générations différentes: une difficulté supplémentaire pour cette distribution uniformément jeune, mais que mise en scène, costumes et maquillages permettent de relativiser, avec toutefois une impression d’interchangeabilité due à des personnalités qui ne sont pas encore pleinement affirmées. Parmi les dames c’est surtout la soprano espagnole Rocío Pérez qui nous a paru faire preuve d’abattage et d’aisance, davantage que Gaëlle Alix, plus neutre (mais défavorisée il est vrai par un personnage plus ingrat, voire par une perruque qui l’enlaidit franchement) ou Lamia Beuque, qui ne parvient pas encore à bien faire jouer tous les ressorts comiques de sa tessiture de mezzo-soprano. Du côté masculin, on remarque surtout la faconde du Geronimo de Nathanaël Tavernier, excellent dans cet emploi de baryton-basse bouffe : assurément un futur rossinien de grand relief. Le jeune Britannique Peter Kirk devra encore se débarrasser d’un peu de raideur dans l’aigu mais son Paolino a déjà beaucoup d’allure, même si son avenir reste probablement à trouver du côté du côté de ténors à plus fort potentiel expressif que ceux de ce répertoire di grazia. Très à l’aise sur scène, le baryton polonais Jaroslaw Kittala doit encore étoffer un timbre trop mince, mais son Comte Robinson remuant séduit par sa présence et sa vitalité.


Rappelons que la soirée a été courageusement maintenue malgré un pic de canicule et qu’il faut décerner un grand coup de chapeau à ces chanteurs qui se démènent, alors que les spectateurs transpirent déjà des litres en restant simplement immobiles, collés sur le velours de leurs sièges. Toujours pas de climatisation à l’Opéra du Rhin ! Il y a exactement dix ans, lors d’une représentation torride des Boréades de Rameau, on s’en amusait déjà. Entre temps, strictement rien n’a changé : tant pour le public que pour les chanteurs et les musiciens, la pérennisation de ces conditions de travail estivales pénibles n’est plus drôle du tout !


En fosse on souffre aussi. Patrick Davin a beau changer de chemise à l’entracte, la seconde se trempe à la même vitesse que la première. Mais rien ne semble altérer son obstination à faire jouer l’Orchestre symphonique de Mulhouse avec davantage de souplesse et des timbres plus charnus, et un succès malheureusement inconstant. Notre perception de l’ouvrage de Cimarosa en sort biaisée : abus de formules à l’emporte-pièce, procédés prévisibles, tutti sans charme. Il faudrait bien davantage de pétillements et de lumière pour que la séduction naturelle de cette musique puisse opérer.


Sur le plateau en revanche on a choisi de faire feu de tout bois : mise en scène très agitée de Christophe Gayral, dans des costumes milieu de siècle dernier (un vrai lieu commun, en ce moment, à l’opéra) pas toujours très seyants. Parfois on apprécierait que l’on laisse ces jeunes voix un peu plus tranquilles, en leur permettant de mieux se poser, pour respirer voire, tout simplement, pour mieux chanter. Mais en l’état ce travail très construit, déjà présenté à l’Opéra national du Rhin en 2010, par une précédente promotion de jeunes chanteurs, méritait effectivement une reprise.



Laurent Barthel

 

 

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