About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un jeune musicien parmi d’autres

Paris
Fondation Louis Vuitton
07/01/2015 -  et 3 juillet 2015
Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor n° 21 en ré majeur, K. 575 : Allegretto
Maurice Ravel : Quatuor: Assez vif – Très rythmé
Samuel Barber : Quatuor en si mineur, opus 11 : Molto adagio
Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 1 en fa majeur, opus 18 n° 1: Allegro con brio – Quatuor n° 16 en fa majeur, opus 135 (version pour orchestre à cordes): Lento assai, cantante e tranquillo
Anton Webern : Langsamer Satz
Felix Mendelssohn : Quatuor à cordes n° 7 en fa mineur, opus 80 : Allegro vivace assai
Edvard Grieg : Suite Holberg, opus 40 : Prélude, Air & Rigaudon

Musiciens de la Seiji Ozawa International Academy Switzerland, Seiji Ozawa (direction)


S. Ozawa, S. Harada, N. Imai


Est-ce l’arrivée, magique, à l’orée du Jardin d’acclimatation et à deux pas du Bois de Boulogne, ou la conjonction entre les immenses voiles de verre – plus de 13500 mètres carrés de verrières! – et le bruit de la cascade qui se trouve dans son enceinte? Toujours est-il que le fait de se trouver devant le magnifique bâtiment de la Fondation Louis Vuitton, due au génial architecte Frank Gehry, nous fait rapidement oublier la torpeur qui s’est abattue ce jour-là sur Paris et, plus largement, sur une bonne partie de l’Hexagone. Si l’on connaît les collections d’art contemporain de la Fondation, on est peut-être moins au fait de la programmation musicale du lieu qui abrite un petit auditorium (moins de 400 places), permettant d’écouter dans une ambiance intimiste des artistes plus ou moins confirmés, comme ce fut le cas, depuis l’inauguration du bâtiment à la fin du mois d’octobre dernier, des pianistes Lang Lang et Rémi Geniet, du violoncelliste Gautier Capuçon, du violoniste Augustin Dumay...


Ce soir, place à un immense chef d’orchestre, Seiji Ozawa, ami de longue date de Bernard Arnault, patron du groupe LVMH, et de son épouse, la pianiste Hélène Mercier-Arnault (tous deux présents pour l’occasion), et à ses étudiants de l’International Music Academy Switzerland, rebaptisée depuis Seiji Ozawa International Academy Switzerland. Comme ce fut le cas pour leurs précédentes venues en France qui, jusqu’alors, s’étaient toutes déroulées au Théâtre des Champs-Elysées (voir ici et ici), ce concert se déroulait en deux parties, la première permettant d’entendre une trentaine de jeunes musiciens dans l’art du quatuor à cordes, la seconde les rassemblant pour des œuvres de plus grande ampleur sous la direction du maestro en personne.


Comme nous l’a expliqué le jeune violoniste (19 ans!) Shuichi Okada, qui va effectuer à la rentrée prochaine sa cinquième année au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, cette trentaine de musiciens a été sélectionnée à travers le monde entier, une première sélection s’effectuant dans plusieurs pays, la seconde ayant toujours lieu à Cologne. Ce sont ensuite les professeurs (parmi lesquels la violoniste Pamela Frank, l’altiste Nobuko Imai ou le violoncelliste Sadao Harada, pilier du Quatuor de Tokyo pendant plus de trente ans) qui choisissent d’une part les œuvres qui seront jouées, d’autre part les musiciens pour les interpréter, le choix se faisant sur les affinités pressenties et l’alchimie possible. Et c’est bien souvent au cours de ces répétitions de quatuors que surgit à l’improviste, en jean, baskets, chemise improbable et casquette de base-ball vissée sur la tête, Seiji Ozawa, une rencontre «cosmique» pour reprendre le mot de Shuichi Okada! Le grand chef assiste donc également à ces petits cénacles avant de diriger les répétitions d’orchestre, prodiguant peu de conseils, suggérant davantage qu’imposant, mais insistant toujours sur l’écoute mutuelle qui doit exister entre les musiciens. Les sessions, auxquelles les musiciens peuvent assister à plusieurs reprises (en l’occurrence la troisième pour notre jeune violoniste), se concluent invariablement par plusieurs concerts dont celui de ce soir était une nouvelle illustration après celui donné quelques jours plus tôt à Genève.


Et comme les fois précédentes, on est ébahi par la maîtrise et l’implication dont font preuve ces musiciens dont la moyenne d’âge se situe entre 22 et 23 ans mais dont l’assurance et la musicalité sont déjà dignes des plus grands. Avouons-le d’emblée: certains extraits nous auront semblé plus «neutres» que d’autres tant par les aspects mélodiques que par l’égale qualité des différents instrumentistes même si, dans Mozart, la seconde violoniste Hye Jin Kim frappe par son enthousiasme et la facilité de son jeu, la première violoniste Jae Hyeong Lee étant pour sa part remarquable du point de vue technique dans Beethoven. En revanche, quelle maîtrise des quatre instrumentistes (notamment de l’altiste Muriel Razavi et du premier violon David Petrlik) dans Ravel! Le public, attentif comme rarement, a également écouté avec émotion le poignant Molto adagio du Quatuor en si mineur de Barber, qui n’est autre que la fameux Adagio que l’on connaît généralement donné par un grand orchestre: près de dix secondes de silence absolu avant que les applaudissements n’éclatent... Si le Mendelssohn a frappé par la frénésie de la fin du mouvement (sous l’autorité souveraine de la violoniste coréenne déjà remarquée Sueyon Kim), on aura surtout admiré, le mot n’est pas trop fort, l’exécution du Langsamer Satz de Webern où brillèrent la confirmée Alexandra Soumm au premier violon et l’altiste Manuel Vioque-Judde, la maîtrise de la partition et sa délicatesse offrant un magnifique pendant à l’eau de la grande cascade intégrée au bâtiment de la Fondation qui s’écoulait au-dehors, jusqu’au pied de l’auditorium.


Après cette première partie aux visages extrêmement variés, les musiciens rentrèrent tous sur scène (par le côté droit) tandis que Seiji Ozawa arriva au même moment (par le côté gauche). Evidemment, de vifs applaudissements saluèrent l’apparition du chef japonais (80 ans au 1er septembre prochain!) à la crinière poivre et sel toujours aussi abondante, tout sourire, qui dirigea en premier lieu la version orchestrale du Lento assai, cantante e tranquillo tiré du Seizième Quatuor de Beethoven, mouvement poignant que l’ancien mentor d’Ozawa, Hideo Saito, avait souhaité le voir diriger pour sa mort, qui intervint seulement deux mois après avoir exprimé ce souhait... D’une gestique toujours aussi souple et délicate, Ozawa dirige avec une perceptible émotion cette page qu’il n’avait pas abordée depuis la disparition de Saito. Puis, après une courte pause, il lança ses musiciens (parmi lesquels figuraient notamment Nobuko Imai et Pamela Frank) dans trois extraits de la célèbre Suite «Au temps de Holberg» de Grieg. Au milieu de quelques grognements, Ozawa démontra encore une fois le magnétisme dont il est capable face à un orchestre, les jeunes musiciens de l’Académie ne cessant de le suivre dans la moindre de ses inflexions, souriant à ses regards, répondant au quart de seconde à chacun de ses signaux. Certains moments témoignèrent de l’évidente complicité unissant ce vétéran de la direction d’orchestre à son jeune orchestre, comme lorsqu’Alexandra Soumm lui tendit une petite bouteille d’eau entre les deux premiers mouvements: délicate attention qui à elle seule valait presque d’être présent. Les derniers accords du troisième extrait (Rigaudon) permirent au public de saluer chaleureusement les artistes de la soirée, Ozawa en tête qui, comme à son habitude, resta au milieu des siens au moment des applaudissements: un jeune musicien parmi d’autres en quelque sorte!


Le site de l’Académie internationale Seiji Ozawa de Suisse
Le site de la Fondation Louis Vuitton



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com