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Il était une fois dans l’Ouest Liège Opéra royal de Wallonie 06/19/2015 - et 21*, 23, 25, 27 juin 2015 Gaetano Donizetti: L’elisir d’amore Maria Grazia Schiavo (Adina), Davide Giusti (Nemorino), Adrian Sampetrean (Dulcamara), Laurent Kubla (Belcore), Julie Bailly (Giannetta)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Marcel Seminara (chef des chœurs), Sylvain Bousquet (pianoforte), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Bruno Campanella (direction)
Stefano Mazzonis di Pralafera (mise en scène), Jean-Guy Lecat (décors), Fernand Ruiz (costumes), Michel Stilman (lumières)
(© Jacques Croisier)
L’histoire se déroule cette fois au Far West. Les décors de Jean-Guy Lecat et les costumes de Fernand Ruiz restituent cet univers dans un esprit de bande dessinée : un bourg de l’Ouest américain (Wallon Valley…) avec son église, son croque-mort, son saloon, son shérif, ses paysans, ses notables, ses filles de joie et même un border collie, qui viendra lui-aussi saluer, contrairement au cheval, qui apparaît au premier acte. Voilà de nouveau un spectacle typique de l’Opéra royal de Wallonie, comportant quelques clins d’œil, notamment au bourgmestre, fraîchement élu, justement, à la présidence de la fédération de son parti.
Humoristique mais complaisante, la mise en scène du directeur général, Stefano Mazzonis di Pralafera, néglige la subtilité de ce melodramma giocoso qui appelle plus de finesse – à la fin, Adina et Nemorino se retrouvent tout habillés au lit. A cause d’une direction d’acteur ordinaire et souvent lourde, la psychologie des personnages se détache sommairement et l’intrigue, survolée, relève finalement de la bluette – le benêt (qui le restera) finit par conquérir cette gentille fille d’abord séduite par un insignifiant bellâtre (qui le restera aussi). Il se déroule continuellement quelque chose sur scène mais la figuration, constamment en mouvement, détourne trop souvent l’attention au détriment des personnages principaux. Les gags en arrière-plan amusent au début puis finissent par lasser.
La distribution ne comporte aucune voix d’exception mais les chanteurs méritent l’accueil enthousiaste que le public leur réserve. Mettant en valeur un timbre délicieux et juvénile, Maria Grazia Schiavo chante le rôle d’Adina avec agilité et maîtrise. Davide Giusti incarne un Nemorino empoté mais touchant. Le personnage convient bien à ce ténor au timbre quelconque mais au chant travaillé, qui ne laisse planer aucun doute quant à la sincérité de son engagement, et le public l’ovationne après un «Una furtiva lagrima» retenu et prudent. Le rôle de Belcore revient à Laurent Kubla, qui gagne en maturité et en maîtrise au fil des saisons. Le baryton acquiert un solide métier qui lui permettra d’incarner de plus en plus de personnages de premier plan – la prestation manque cependant d’épaisseur et le chant d’un caractère plus typé. Quel timbre somptueux que celui d’Adrian Sampetrean, chantant avec style, mais la basse passe à côté de la fibre comique de Dulcamara qui ressemble, dans cette production, à un mélange d’Escamillo et de Méphistophélès. Julie Bailly campe, quant à elle, une Giannetta au charmant minois.
La trompette rate parfois ses interventions mais l’orchestre se montre dans l’ensemble discipliné sous la direction, tantôt vive et inspirée, tantôt placide et banale, de Bruno Campanella. Les cordes affichent suffisamment de cohésion et de souplesse et les bois interviennent avec éloquence et précision tandis que Sylvain Bousquet dispense au pianoforte un accompagnement spirituel durant les récitatifs. Préparés par Marcel Seminara, qui cède son poste à Pierre Iodice la saison prochaine, les chœurs n’affichent pas moins de tenue que l’orchestre. Quant au programme, il ne comporte de nouveau aucune biographie des artistes, lacune comblée dès la saison prochaine, nous a-t-on promis.
La Monnaie inaugure sa saison extra muros en septembre avec L’Elixir d’amour : la confrontation entre les deux productions révélera sans doute la différence d’approche très sensible entre les maisons d’opéra bruxelloise et liégeoise.
Sébastien Foucart
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