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Une Turandot sans concession

Toulouse
Théâtre du Capitole
06/19/2015 -  et 21, 23, 26, 28, 30 juin 2015
Giacomo Puccini : Turandot
Elisabete Matos (Turandot), Alfred Kim (Calaf), Eri Nakamura (Liù), Luca Lombardo (Altoum), In Sung Sim (Timur), Gezim Myshketa (Ping), Gregory Bonfatti (Pang), Paul Kaufmann (Pong), Dong-Hwan Lee (Un mandarin), Marion Carroué, Argitxu Esain (Servantes), Dongjin Ahn (Le prince de Perse)
Chœur du Capitole, Alfonso Caiani (direction des chœurs), Orchestre national du Capitole de Toulouse, Stefan Solyom (direction musicale)
Calixto Bieito (mise en scène), Luca Schwarz (collaborateur à la mise en scène), Rebecca Ringst (décors), Ingo Krügler (costumes), Olaf Lundt (lumières), Olivier Oudiou (réalisation des lumières), Sarah Derendinger (vidéo)




En confiant à Calixto Bieito les clefs de sa dernière production de la saison, en partenariat avec Nuremberg et Belfast, le Théâtre du Capitole pouvait être certain qu’il ne laisserait pas le public indifférent. Et les huées qui ont accueilli sa Turandot le soir de la première ne sauraient le contredire. Certes, le spectacle contraste avec des démarches plus illustratives au répertoire de la maison midi-pyrénéenne, et d’aucuns attendaient sans doute un orientalisme tout en exotisme.


Pourtant, avec ses figurants en blouse bleue, ses lumignons rouges et sa fabrique de poupées bon marché, la Chine s’avère omniprésente dans la scénographie de Rebecca Ringst, sans oublier que l’empilement de cartons peut, au gré des lumières d’Olaf Lundt, prendre l’allure d’idéogrammes, que l’on voit peints jusqu’à saturation sur le visage projeté en vidéographie, réalisée par Sarah Derendinger. Sans doute un éclairage aussi cru sur la condition prolétaire des petites mains de la société de consommation éloigne-t-elle de la féerie du conte, pour rejoindre les enjeux politiques sous-jacents à l’ouvrage de Puccini. Au demeurant, la lecture du metteur en scène catalan ne recherche pas à s’arrimer à une transposition univoque. L’on peut voir dans les costumes d’Inge Krügler la réalité du régime communiste de l’Empire du Milieu autant que l’on peut aussi être renvoyé au sanglant trafic d’opium qui sévissait encore dans les années vingt, tandis que l’on peut reconnaître dans l’impératrice en perruque blonde un sosie de Marine Le Pen: passé et présent se confondent dans un spectacle d’autant plus puissant qu’il est joué sans entracte. Seul un précipité vient ponctuer la mort de Liù, où la plume du compositeur s’est arrêtée, immobilisant presqu’à la façon d’un concert le triomphe final, dans sa seconde version brève due à la main d’Alfano.


Si, dans le rôle-titre, Elisabete Matos, que l’on avait entendue en Isolde cet hiver sur ce même plateau, compense par sa puissance impérieuse un vibrato parfois menaçant, et des aigus plus d’une fois criés, Alfred Kim en Calaf convainc sans réserve par une vaillance qui soumet une redoutable partie, et trouve le juste équilibre entre archétype et stéréotype dans le monolithisme du personnage. L’émouvante Liù d’Eri Nakamura n’en ressort que davantage, qui se pare d’un timbre aussi sensible que sensuel, où affleurent l’amour et la vulnérabilité de l’esclave. Le Timur d’In Sung Sim en impose par une solidité vocale qui n’oublie pas l’épaisseur des couleurs. Luca Lombardo ne manque nullement de l’éclat qui sied à Altoum. Gezim Myshketa, Gregory Bonfatii et Paul Kaufmann forment en Ping, Pang et Pong un trio sadique à souhait. Mentionnons encore le mandarin de Dong-Hwan Lee, ainsi que les interventions des deux servantes et du prince de Perse, confiées à trois membres du Chœur du Capitole – Marion Carroué, Argitxu Esain et Dongjin Ahn. Préparés avec soin par Alfonso Caiani, les chœurs toulousains sont suspendus à la battue alerte sinon nerveuse de Stefan Solyom, qui galbe admirablement les sonorités denses voire sombres de la partition, magnifiées par un Orchestre national du Capitole en grande forme.



Gilles Charlassier

 

 

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