About us / Contact

The Classical Music Network

Saint-Etienne

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Le triomphe du chant français

Saint-Etienne
Grand Théâtre Massenet
05/27/2015 -  et 29, 31 mai 2015
Reynaldo Hahn : Le Marchand de Venise
Gabrielle Philiponet (Portia), Isabelle Druet (Nérissa), Magali Arnault-Stanczak (Jessica), Pierre-Yves Pruvot (Shylock), Frédéric Goncalvès (Antonio), Guillaume Andrieux (Bassanio), François Rougier (Gratiano), Philippe Talbot (Lorenzo), Harry Peeters (Tubal), Frédéric Caton (Le Prince du Maroc, Le Doge), Vincent Delhoume (La voix, Le Prince d’Aragon, Salarino), Zoltán Csekö (Le Grand de Venise), Frédérik Prévault (L’audiencier, Un serviteur), François Bescobo (Un serviteur)
Chœur yyrique Saint-Etienne Loire, Laurent Touche (chef de chœur), Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, Franck Villard (direction musicale)
Arnaud Bernard (mise en scène, décors, lumières), Carla Ricotti (costumes), Patrick Méeus (lumières)


(© Cyrille Cauvet)


Evénement de premier plan dans la vie lyrique stéphanoise, la biennale Massenet ouvre sa douzième édition avec un des plus brillants disciples du compositeur, Reynaldo Hahn, dans un ouvrage handicapé autant par l’Histoire que par son argument. Tiré de Shakespeare, Le Marchand de Venise, créé en 1935, un siècle tout juste après La Juive d’Halévy, ajoute aux usuelles intrigues amoureuses de la comédie, la haine irréductible – et réciproque – que vouent aux chrétiens l’usurier Shylock et ses semblables. Moteur indéniable du drame, cet antisémitisme peut être vu sous un angle problématique. Tel est le point de vue d’Arnaud Bernard, dans une scénographie noir et blanc épurée, sinon minimale, réduite à des panneaux mobiles sur lesquels sont projetées des images au grain d’archives qui retracent le destin de millions de victimes de la Shoah, des conflits proche-orientaux ou du terrorisme islamique, sans que ce contrepoint visuel n’entretienne de lien serré avec le déroulement de l’opéra. Sans doute, une telle démarche prend-elle un peu trop au sérieux une dimension religieuse, dont la valeur exotique et comique peut mettre mal à l’aise à l’aune de l’actualité plus ou moins récente. Pour autant, à trop vouloir faire réfléchir, on finit par édifier, et la pensée du metteur en scène tend à glisser sur le livret, plus qu’à le mettre en perspective. Le métier dans l’optimisation spatiale du plateau ne s’en trouve pas cependant amoindri, à l’instar de la confrontation entre les deux communautés à la cour de justice.


La consolation viendra avec les voix, qui démontrent éloquemment combien toute une jeune génération a su prendre la relève d’une tradition française que l’on craignait menacée, avec une clarté dans la diction à l’avenant, à savoir au niveau de l’excellence. La brillante Jessica de Magali Arnault-Stanczak en donne un remarquable exemple, avec un fruité souriant dans le babil absolument irrésistible. Ses deux comparses féminines ne le lui cèdent en rien. Gabriele Philiponet imprime à Portia un caractère indéniable avec un timbre qu’elle sait volontiers musquer de sensualité, tandis que son travestissement au troisième acte se révèle aussi mutin que réussi. En Nérissa, Isabelle Druet convainc tout autant dans un rôle qui semble lui seoir sans réserve.


Côté masculin, la même pertinence s’avère de mise. L’affrontement entre le Shylock de Pierre-Yves Pruvot et l’Antonio de Frédéric Goncalvès ne manque point de relief, la rapacité expressive du premier contrastant avec la bonté lumineuse du second. Guillaume Andrieux livre en Bassanio un troisième avatar de baryton, auréolé ici d’une jeunesse où s’amorce déjà une intéressante maturation. François Rougier incarne un Gratiano aussi savoureux que le lyrique Lorenzo de Philippe Talbot. Le reste de la distribution ne démérite pas davantage: Tubal revient au solide Harry Peeters, et Frédéric Caton ne l’est pas moins en Prince du Maroc imbu de lui-même et de son ridicule, comme en Doge empreint de noblesse. Mentionnons encore les interventions à-propos de Vincent Delhoume – Voix, Prince d’Aragon et Salarino –, ainsi que celles de Zoltán Csekö, Grand de Venise, Frédérik Prévault, audiencier et serviteur, et François Bescobo, serviteur, sans oublier les chœurs, préparés soigneusement par Laurent Touche, ni la direction musicale, efficacement assurée par Franck Villard.



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com