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Magistral

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/30/2015 -  et 22 (Luxembourg), 27 (Dortmund) mai, 2 juin (Wien) 2015
Johannes Brahms : Symphonie n° 3 en fa majeur, opus 90
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano et orchestre n° 3, opus 37
Richard Strauss : Der Rosenkavalier, opus 59: Suite

Emanuel Ax (piano)
The Philadelphia Orchestra, Yannick Nézet-Séguin (direction)


Y. Nézet-Séguin (© Marco Borggreve)


Yannick Nézet-Séguin est considéré comme l’une des grandes baguettes du moment. Quarantenaire depuis peu, il vient d’annoncer qu’il quittera en 2018 la direction de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam (qu’il occupe depuis 2008) alors même que son contrat à l’Orchestre de Philadelphie, débuté en 2012, a été prolongé jusqu’en 2022. Habitué du Théâtre des Champs-Elysées, où le Philharmonique de Rotterdam est en résidence, c’est la première fois qu’il venait dans cette salle avec l’Orchestre de Philadelphie pour ce concert s’inscrivant dans une grande tournée européenne passant, outre par Paris en ce 30 mai, par Luxembourg, Cologne, Dresde, Berlin, Dortmund, Lyon, Vienne, Amsterdam et Londres.


Le concert parisien débutait par la Troisième Symphonie de Brahms, âpre et moins spectaculaire que les trois autres symphonies. En d’autres termes, plus difficile à maîtriser. Mais dès les premiers accords posés avec un mélange d’autorité et d’élégance par les bois et les cuivres, on sent que la réussite est au rendez-vous. Les cordes à la sonorité chaude, aux phrasés élégants et à la réactivité sans faille prennent ensuite le relais. Tout au long des quatre mouvements enchaînés sans pause, ce qui évite les toux qui parasitent plus d’un concert, Yannick Nézet-Séguin construit une belle et passionnante interprétation. Usant de contrastes saisissants mais jamais excessifs, sollicitant avec à-propos de forts belles nuances, menant les ruptures avec l’énergie des transitions brahmsiennes, il n’en garde pas moins constamment la ligne de cette musique. L’orchestre de Brahms, si plein et foisonnant, est magnifiquement servi à chaque moment par une direction inspirée et par un orchestre de très haut niveau musical et expressif. Le chef québécois sollicite successivement et avec son empathie habituelle tous les pupitres, notamment les violoncelles placés à l’américaine (à sa droite) et au rôle si essentiel dans cette œuvre. A l’Allegro con brio initial, construit comme une arche et mené avec une énergie conquérante, succède un Andante aérien et transparent, puis un Poco allegretto sobre et raffiné, qui permet d’entendre le magnifique cor solo Jennifer Montone, avant que l’Allegro final ne mette en valeur un fabuleux pupitre de trombones dans l’étonnant choral qui clôt une œuvre décidément pas comme les autres. Un Brahms racé et élégant, mais en même temps tonique et lumineux, que n’aurait sans doute pas renié Carlo Maria Giulini, avec qui Yannick Nézet-Séguin a étudié.


La suite du concert restera à ce même niveau exceptionnel. Dans le Troisième Concerto pour piano de Beethoven, Nézet-Séguin dirige toujours avec ce mélange d’autorité et de charisme qui est sa marque. Ici aussi les contrastes rivalisent avec l’énergie ce qui donne au final un Beethoven tellurique tout à fait en accord avec la vision ténue d’un Emanuel Ax en grande forme. Le dialogue entre le piano et l’orchestre fonctionne véritablement à double sens grâce à un échange musical dans lequel on sent une vraie complicité. Et le pianiste américain nous offre une magnifique cadence qui, sous ses doigts, semble presque annoncer Liszt. En bis, Ax et Nézet-Séguin se mettent ensemble au piano pour une très épurée Valse opus 39 n° 15 de Brahms, que le chef présente avec humour comme un «trou normand» au cours de ce copieux concert.


Il faut dire que la dernière pièce, la Suite du Chevalier à la rose de Strauss, peut parfois sembler indigeste. Rien de cela ici grâce à une magnifique interprétation mettant une nouvelle fois en valeur l’incroyable niveau de cet orchestre, ici en très grand effectif et dont les différents pupitres sont successivement sollicités. Tout de cette musique, il faut bien le dire un peu confuse et folle, y devient audible et naturel grâce à la suprême élégance de la direction de Nézet-Séguin, qui laisse définitivement de côté les excès que certains ne résistent pas à mettre dans cette pièce. On est donc ici beaucoup plus proche de la vision d’un Carlos Kleiber que de celle de chefs de moindre talent qui surchargent cette musique alors qu’elle n’en n’a vraiment pas besoin.


Un concert magistral donc, confirmant une nouvelle fois le talent hors pair de Yannick Nézet-Séguin, qui n’a certainement pas fini de nous étonner, et dont la puissance et la maîtrise d’interprétation rappellent certains des très grands chefs du passé. Quant à l’Orchestre de Philadelphie, il est plus que jamais un des meilleurs ensembles symphoniques du moment et on espère pouvoir l’entendre bientôt dans de meilleures conditions acoustiques à la Philharmonie de Paris.



Gilles Lesur

 

 

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