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Le Roi Lancelot

Paris
Opéra Bastille
05/16/2015 -  et 19, 22*, 25, 28 mai, 2, 5, 8, 11, 14 juin 2015
Ernest Chausson : Le Roi Arthus, opus 23
Sophie Koch (Genièvre), Thomas Hampson (Arthus), Roberto Alagna*/Zoran Todorovitch (Lancelot), Alexandre Duhamel (Mordred), Stanislas de Barbeyrac (Lyonnel), François Lis (Allan), Peter Sidhom (Merlin), Cyrille Dubois (Un laboureur), Tiago Matos (Un chevalier), Ugo Rabec (Un écuyer)
Chœur de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction musicale)
Graham Vick (mise en scène), Paul Brown (décors et costumes), Adam Silverman (lumières)


R. Alagna, S. Koch (© Andrea Messana/Opéra national de Paris)


Incroyable mais vrai : Le Roi Arthus, créé à la Monnaie de Bruxelles en 1903, n’avait jamais été donné intégralement à l’Opéra de Paris. On attendait donc beaucoup de cette première, surtout après le ratage strasbourgeois de la saison passée. Elle laisse une impression mitigée, parce que la scène et la musique ne s’accordent pas.


Graham Vick, en effet, échoue à faire vivre une œuvre à la théâtralité limitée. Certes il veut nous montrer la faillite des utopies qu’incarnent les trois protagonistes, de l’idéal héroïque comme de l’idéal amoureux. Mais qui trop embrasse mal étreint : entre la lecture du mythe par une sorte d’imaginaire enfantin, la dégradation de la relation triangulaire en adultère trivial, la récupération de la légende par une modernité de pacotille, la sauce ne prend pas, croisement hybride de chemins ne menant nulle part. La scénographie est à l’image de cet éclatement, chargée de symboles à l’évidence laborieuse : donjon au loin, maison préfabriquée, genre Castorama, avec bibliothèque pour nourrir le rêve du roi, prairie fleurie, genre vert paradis des amours qui se voudraient innocentes. Autant de rêves avortés, avec partout des Escalibor – sic – fichées dans le sol histoire de rappeler, de façon dérisoire, l’épopée arthurienne, jusqu’à cette fin où Genièvre déchire les livres que le feu de la bataille n’a pas consumés. On ne dira pas que le metteur en scène n’a pas de métier, qu’il ne sait pas diriger les chanteurs : c’est l’idée qui lui manque – le livret de Chausson paraît d’autant plus suranné.


On se rembourse, heureusement, avec la musique. Certes Thomas Hampson n’a plus les moyens de ses ambitions : la voix s’est élimée, surtout à partir du médium, l’aigu a perdu son éclat et ternit la victoire du premier acte. Mais il reste une présence, une classe, un style, un art de modeler la phrase qui le rendent émouvant dans sa fragilité et ennoblissent le dernier tableau. Le Lancelot de Roberto Alagna paraît d’autant plus rayonnant, insolent presque : si son Cid pouvait paraître tendu, son chevalier est superbe, par l’articulation, le phrasé, la générosité d’un chant héroïque ou désespéré. Le roi de la soirée, c’est lui. Et Sophie Koch assume ici son falcon, sans rupture d’un registre à l’autre, mettant à nu la chair sensuelle du timbre comme Genièvre sa passion coupable, jamais mise en péril par un emploi qui, du début à la fin, expose dangereusement la voix. Les seconds rôles, loin de passer leur chemin, se situent au plus haut, plus que le Merlin un peu fatigué de Peter Sidhom : remarquables Stanislas de Barbeyrac en écuyer tutélaire et Cyrille Dubois en Laboureur aède.


On avait redécouvert Arthus en 1986, grâce à Armin Jordan et à un concert de Radio France capté par les micros d’Erato. Le fils prend dignement la relève. La filiation avec Wagner s’impose aussitôt – Arthus est le Tristan français, mâtiné de Parsifal, par le sujet comme par la musique. Mais Chausson n’est pas un épigone, ses couleurs n’appartiennent qu’à lui, comme cette instrumentation à la fois dense et fluide, dont Philippe Jordan restituent la puissance et le raffinement. On lui a souvent reproché de ne pas avoir le sens du théâtre : il n’en est rien ici, un souffle continu passe sur ce Roi Arthus, épique ou lyrique, grandiose ou intimiste, superbe toujours.



Didier van Moere

 

 

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