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Manon sans Manon

Paris
Palais Garnier
04/20/2015 -  et 26, 28, 30 avril, 5, 6, 7, 8, 12, 14, 18, 20 mai 2015
Kenneth MacMillan : L’Histoire de Manon
Jules Massenet : La Vierge: L’Assomption, prélude (Le dernier sommeil de la Vierge) & L’Extase de la Vierge («Rêve infini») – Chérubin: III. Aubade de Chérubin – Scènes dramatiques (Troisième Suite d’orchestre): I. Prélude et Divertissement (La Tempête, Ariel et les Esprits) & III. Macbeth – Scènes pittoresques (Quatrième Suite d’orchestre): I. Marche & II. Air de ballet – Le Cid (pot-pourri de motifs) – Crépuscule – Grisélidis: I. Chanson de Bertrade «En Avignon, pays d’amour» & II. Entracte-Idylle, Valse des Esprits et Air «Il partit au printemps» – Thaïs: II, 2. Ballet, quatrième entrée – Ariane: I. Air «La fine grâce de sa force» & II. Air «O vierge guerrière» – Elégie – Don Quichotte: I. (extrait), II. Finale (Les Moulins) & IV. Air «Eh! mais... voilà perdez la raison» et Duo Don Quichotte-Dulcinée – Cendrillon: I. Air «Reste au foyer, petit grillon», II. Divertissement, première entrée (Les Filles de Noblesse), IV, 1. Duo Pandolfe-Cendrillon & IV, 2. Marche des princesses – Poème d’amour: III. «Ouvre tes yeux bleus, ma Mignonne» – Valse très lente – Scènes alsaciennes (Septième Suite d’orchestre): Au Cabaret – Cléopâtre: III. Ballet, deuxième, troisième (Amazones) et quatrième (Lydiennes) entrées & ensemble final – Chanson de Capri – La Navarraise: Nocturne – Le Roi de Lahore: III. Divertissement, Danse – Il pleuvait – Bacchus: III, 2. Ballet des Mystères dionysiaques (troisième initiation) – Eve: I, 2. Prélude d’Adam et Eve & III, 2. La Malédiction – Sapho: IV. Air «Pendant un an je fus la femme» – Intermède (arrangements Leighton Lucas)
Laëtitia Pujol*/Ludmila Pagliero/Eleonora Abbagnato/Aurélie Dupont/Dorothée Gilbert (Manon), Mathieu Ganio*/Josua Hoffalt/Florian Magnenet/Roberto Bolle/Hugo Marchand (Des Grieux), Stéphane Bullion*/Alessio Carbone/Audric Bezard/François Alu (Lescaut), Alice Renavand*/Muriel Zusperreguy/Valentine Colasante (Maîtresse de Lescaut), Benjamin Pech*/Aurélien Houette/Yann Saïz (Monsieur de G.M.), Viviane Descoutures*/Sarah Kora Dayanova (Madame), Aurélien Houette*/Yann Saïz/Karl Paquette (Le Geôlier), Ballet de l’Opéra national de Paris
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Martin Yates (direction musicale, nouveaux arrangements et orchestration)
Kenneth MacMillan (chorégraphie et mise en scène), Karl Burnett, Gary Harris (reprise), Nicholas Georgiadis (décors et costumes), John B. Read (lumières), Patricia Ruanne, Claude de Vulpian (répétitions)


L. Pujol, M. Ganio (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)


Le roman de l’Abbé Prévost L’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut n’a pas manqué d’exercer son attrait sur la littérature comme l’art musical, de La Dame aux camélias, où Dumas se réfère explicitement à son prédécesseur, à Massenet, qui traduisit la coquette du siècle des Lumières sur la scène du théâtre lyrique, avant Puccini une décennie plus tard. Le ballet n’est pas en reste, et dès 1830, Aumer proposa une adaptation sur une partition d’Halévy. C’est cependant la version que Kenneth MacMillan a imaginée en 1974 pour Covent Garden qui s’est durablement inscrite au répertoire, et que l’Opéra national de Paris a intégrée au sien en 1990.


L’originalité de la démarche du chorégraphe anglais tient à ce qu’elle prend pour canevas la musique de Massenet, en faisant l’économie de tout emprunt à Manon, l’opéra éponyme. Réalisé par Kenneth MacMillan et Leighton Lucas, le spicilège affirme une remarquable cohérence dramatique, au diapason d’une esthétique très narrative. En 2011, Martin Yates a revu la compilation originale et son orchestration, pour se rapprocher du style du compositeur français, et l’on ne saurait voir la réécriture mieux servie que par son auteur, à la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Paris attentif à la variété des scènes et des affects.


D’une facture plutôt classique, les décors jouent habilement des couleurs chaudes, entre rouges et bruns, et des lumières, pour suggérer tantôt la misère, tantôt l’opulence, tandis que le souci historique sert avant tout l’efficacité expressive. La vénalité de Lescaut se trouve accentuée; au demeurant, le mobile financier voit son rôle particulièrement souligné. Sans verser dans le naturalisme, la présente lecture n’élude pas la réalité sociale aux côtés de l’intrigue sentimentale. C’est en ce sens que l’on peut regarder, au-delà de son pittoresque évident, l’intervention du chef des mendiants, assurée par Allister Madin, peut-être moins à l’aise dans un tel registre de pantomime. Pour ce qui est des scènes de genre, on relèvera également la prostituée travestie en jeune garçon incarnée par Lydie Vareilhes, renforçant l’ambiance de débauche décadente dans laquelle baigne l’histoire.


De sa stature frêle, Laëtitia Pujol imprime à Manon toute la fragilité d’une courtisane séduite par l’apparat et le cynisme de son frère. Sans jamais sacrifier l’accomplissement technique ni forcer le jeu, elle fait vibrer la candeur et la réserve de la jeune fille. On la sent plus faible que manipulatrice, et derrière sa distance affichée lors de la soirée dans l’hôtel particulier de Madame affleure la peur de trahir ses sentiments pour Des Grieux. Celui-ci est incarné avec une belle consistance par un Mathieu Ganio d’une élégance toujours égale à elle-même, et le personnage gagne en richesse comme en subtilité. Le solide Stéphane Bullion n’économise pas la vénalité de Lescaut, à laquelle Alice Renavand, sa maîtresse se révèle le pendant attendu. Benjamin Pech ne manque pas d’aplomb dans le monolithique Monsieur de G.M, accompagné par Viviane Descoutures en Madame. Enfin, Aurélien Houette assume sans fard la cruauté du Geôlier abusant de la belle Manon. Si la soirée du 18 mai, celle des adieux d’Aurélie Dupont, attire tous les regards, jusqu’à ceux de la télévision et des salles de cinéma, les différents casts offriront cependant une opportunité non négligeable d’apprécier la valeur de cette Histoire de Manon que l’Opéra de Paris a pleinement adoptée.



Gilles Charlassier

 

 

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