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Gourmandise franco-hispanique Lyon Auditorium Maurice Ravel 04/16/2015 - et 15 (Genève), 18* (Lyon) avril 2015 Paul Dukas : L’Apprenti sorcier
Jacques Ibert : Concerto pour flûte
François Borne : Fantaisie brillante sur des airs de «Carmen» (orchestration Raymond Meylan)
Maurice Ravel : Alborada del gracioso – Rapsodie espagnole – Boléro Emmanuel Pahud (flûte)
Orchestre national de Lyon, Alain Altinoglu (direction)
A. Altinoglu (© Marco Borggreve)
En invitant Alain Altinoglu, l’un des chefs les plus remarquables de la nouvelle génération, l’Orchestre national de Lyon célèbre l’Espagne imaginée par la musique française, dans un programme qui témoigne du large ambitus de cette baguette célébrée en France et en Europe comme outre-Atlantique, à l’opéra comme au concert, dans les pages les plus célèbres comme dans la redécouverte d’autres plus méconnues.
S’ouvrant par L’Apprenti sorcier, la soirée se place sous le signe des premières, et offre une incursion vers Goethe, et un soupçon de germanisme. Renouvelant l’influence wagnérienne, la production rare de Dukas n’en fait pas moins entendre un cisèlement des couleurs qui s’inscrit sans réserve dans une certaine tradition française. L’instinct narratif de la direction le donne ici à entendre, sans se refuser le moindre hédonisme. Détaillée avec soin, sinon une gourmandise communicative que l’on retrouvera tout au long du concert, l’écriture rythmique imprime sa pulsation à l’ensemble.
La renommée du Concerto pour flûte d’Ibert, composé au début des années trente, s’est assoupie comme celle de son auteur, à l’exception des flûtistes qui ont conservé un intérêt à cette brillante partition, subtile et virtuose, à laquelle Emmanuel Pahud redonne toutes ses saveurs. Dès l’Allegro initial se distingue un élan néoclassique élégant que le soliste français souligne avec un sens rhétorique consommé. Si le mouvement lent laisse affleurer une poésie plus tendre, le finale, piquant comme un scherzo, retrouve cette veine débordante de fraîcheur et non dénuée d’une originalité au diapason de son époque, mise en valeur avec autant de lumière que de perfection technique par Emmanuel Pahud.
Si la réputation de Carmen n’est plus à faire, l’opéra de Bizet a inspiré les adaptations les plus diverses et la Fantaisie de François Borne, écrite en 1900 et orchestrée en 1990 par Raymond Meylan dans l’esprit de l’auteur de l’ouvrage lyrique, en constitue un avatar d’un éclat indéniable. Le plaisir de retrouver les thèmes les plus courus, à l’instar de la «Habanera» et de l’Air du Toréador, se double d’une éblouissante facture qui met en valeur les possibilités instrumentales, lesquelles n’ont aucun secret pour le soliste, sans oublier l’évidente complicité nourrie avec Alain Altinoglu. En guise de bis, Emmanuel Pahud joue une pièce du Lyonnais Pierre-Octave Ferroud, aussi recherchée que séduisante.
La seconde partie du programme est dévolue à Ravel, et laisse éclater la maîtrise du chef français, qui sait jouer des contrastes. Alborada del gracioso s’offre avec toute la délicatesse requise, où s’émulent vivacité et nuance. La Rapsodie espagnole emmène l’auditeur au gré d’un folklore imaginaire au parfum d’authenticité, de la retenue en délicieux camaïeux de pénombre du «Prélude à la nuit» à la vibrante «Feria». L’équilibre entre la scansion et l’épanchement mélodique se retrouve dans le Boléro, où le tambour de Michel Visse fait ses adieux à l’Orchestre national de Lyon, après plus de quarante ans de pupitre. Les liens entre fête et émotion se confirment plus que jamais, et l’enthousiasme du public ne le démentira pas.
Gilles Charlassier
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