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Une vraie personnalité

Geneva
Victoria Hall
03/24/2015 -  et 1er (Boston), 3 (Québec), 6 (Vancouver), 8 (Portland), 20 (Tunbridge Wells), 22 (Ludwigshafen), 28 (Firenze) mars, 2 (Paris), 22 (Singapore), 26 (Morrow) avril 2015
Jean-Philippe Rameau : Gavotte en la mineur avec six doubles
Johann Sebastian Bach : Chaconne de la Partita pour violon n° 2 en ré mineur, BWV 1004 (transcription Ferruccio Busoni)
César Franck : Prélude, Choral et Fugue, FWV 21
Frédéric Chopin :Barcarolle en fa dièse majeur, opus 60 – Mazurka en fa mineur, opus 63 n° 2 – Ballade n° 3 en la bémol majeur, opus 47
Enrique Granados : Goyescas: «Quejas, o la maja y el ruisenor», «El amor y la muerte» et «El pelele»

Benjamin Grosvenor (piano)


B. Grosvenor


La scène musicale genevoise nous a permis ces dernières années de découvrir toute une série de jeunes pianistes de grands talents et aux personnalités si diverses. Il a été ainsi possible d’y entendre des locaux comme Mélodie Zhao, Louis Schwizgebel-Wang, Francesco Piemontesi, de même que des musiciens venus hors des frontières; comme il y a quelques années Kit Armstrong et ce soir Benjamin Grosvenor, qui faisait à cette occasion ses débuts en Suisse.


Ce dernier s’est déjà forgé une solide réputation dans son Angleterre natale. Il a gagné en 2004 le concours du musicien de l’année de la BBC alors qu’il n’avait que 11 ans et s’est déjà souvent produit de par le monde. Il ne faut donc pas s’étonner de le voir arriver sur scène avec calme et confiance. Son jeu traduit de çà et là quelques marques de sa jeunesse. Il a tendance ainsi à accélérer quelques traits quand la musique se tend au risque de perdre une certaine clarté et de bousculer le rythme et la pulsation des œuvres. Il a également quelques passages qui pourraient ne pas demander autant de pédale. Mais de façon générale, sa capacité de colorer le piano et de varier les nuances nous confirme qu’il s’agit d’un pianiste de grand talent et qui possède un style bien à lui.


Les œuvres choisies ne sont pas là par hasard. A 22 ans, Benjamin Grosvenor est probablement plus à son aise dans des miniatures très variées que dans des œuvres classiques qui demanderaient un sens de la structure. La Gavotte de Jean-Philippe Rameau est une pièce que de nombreux pianistes se sont appropriée. Grosvenor ne recherche pas à retrouver la clarté et la légèreté du clavecin et cherche au contraire à profiter de l’écriture pianistique de ces variations avec délectation. Si Brahms pensait au violon dans sa transcription de la Chaconne de Jean-Sebastien Bach, celle faite par Ferruccio Busoni est plus proche de l’orgue par la complexité du tissu harmonique. Grosvenor est ici impressionnant dans la richesse de la palette sonore qu’il déploie tout en maintenant la ligne mélodique de la pièce. La filiation stylistique avec le sublime Prélude, Choral et Fugue de César Franck est naturelle. Benjamin Grosvenor y est ici à son meilleur. Son toucher est plein de variété et sa palette dynamique très large. Il trouve surtout une ligne et une continuité dans cette œuvre où les thèmes reviennent sous de nombreuses formes. Le Prélude est plein de poésie, d’une apparente simplicité, porté par une grande qualité de toucher, le Choral est d’une une rare éloquence et la Fugue finale bénéficie d’une sonorité pleine et virile.


En seconde partie, le pianiste anglais semble moins inspiré par une Barcarolle un peu neutre mais les accents qu’il trouve dans les arpèges «hispanisants» de la main gauche de la Mazurka opus 63 n° 2 ont du charme et de la personnalité. Certains traits legato et le contrôle des nuances pianissimo de la Troisième Ballade sont pleins d’élégance. Plutôt que de se réfugier dans des sempiternelles pièces de Liszt ou Rachmaninov, Grosvenor finit avec ces trois pages de Goyescas qui sont des raretés au concert, évocatrices, pleines de variété et de couleur, jouées ici sans la moindre sentimentalité. Très applaudi par une salle concentrée et silencieuse, Benjamin Grosvenor continue à faire preuve d’originalité en donnant deux bis sortis des sentiers battus: «La Fontaine et la Cloche», extrait des Paysages de Federico Mompou, ainsi que la Sixième des Etudes de concert opus 28 d’Ernö Dohnányi.


Le site de Benjamin Grosvenor



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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