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Comme deux gouttes d’eau... Paris Philharmonie 1 03/10/2015 - Ludwig van Beethoven : Triple Concerto pour violon, violoncelle et piano en ut majeur, opus 56
Anton Bruckner : Symphonie n° 9 en ré mineur (version Nowak, 1951) Isabelle Faust (violon), Jean-Guihen Queyras (violoncelle), Martin Helmchen (piano)
Orchestre de Paris, Herbert Blomstedt (direction)
H. Blomstedt (© Martin U. K. Lengemann)
Comment ne pas faire de parallèle avec le concert qu’a récemment donné l’Orchestre national de France? La même forme: un concerto en première partie puis la Neuvième de Bruckner. Le même genre de protagonistes: un chef expérimenté (Bernard Haitink pour le premier, né en 1929, Herbert Blomstedt ce soir, de deux ans son aîné!) et de jeunes solistes pour le concerto. Le même type de salle: l’auditorium récemment rénové de Radio France il y a un peu plus de quinze jours, la toute nouvelle Philharmonie de Paris ce soir. Le même profil d’orchestre: un des grands orchestres symphoniques français en résidence dans la capitale.
On arrêtera ici les ressemblances puisque ce sont finalement les seules. Côté différences en revanche, on déplorera en premier lieu l’attitude du public de la Philharmonie, extrêmement bruyant (froissements de programmes, chutes d’objets, claquements de portes, toux et autres avatars plus ou moins contrôlés...), tout l’inverse de celui de Radio France, qui avait au contraire observé un impressionnant silence durant tout le concert. En second lieu, notre préférence ira sans conteste, pour Bruckner, à l’interprétation de Bernard Haitink, ce qui peut étonner puisque Blomstedt est également un excellent brucknérien, lui qui a récemment dirigé les Berliner et les Wiener Philharmoniker dans la Huitième. N’oublions pas d’ailleurs qu’il a également dirigé l’Orchestre de Paris dans les Cinquième et Huitième Symphonies du maître de Saint-Florian, outre de très estimables versions enregistrées au disque à la tête de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Pourtant, le premier mouvement Feierlich. Misterioso laisse une impression mitigée, Herbert semblant préférer la force quelque peu brouillonne à la puissance tout apaisée de Haitink. L’Orchestre de Paris, s’il bénéficie toujours d’une petite harmonie irréprochable, connaît ce soir une certaine méforme du côté des cordes – fortes de neuf contrebasses –, qui ne possèdent ni le legato, ni la sourde puissance de leurs homologues du National. Dirigeant sans baguette, Blomstedt appréhende ce mouvement avec parfois une certaine précipitation, négligeant à notre sens une des caractéristiques fondamentales de l’œuvre de Bruckner: sinon la lenteur, du moins la retenue dans le tempo lorsque cela est indiqué par la partition ou découle de la mélodie. Le Scherzo est assez bien réussi même si les timbales (peut-être en raison de l’usage de baguettes en feutre et non en bois comme dans le concert du National) ne sont pas aussi cataclysmiques qu’on l’aurait souhaité; on regrette également le tempo ici encore à notre sens un peu trop vif du Trio, qui lui fait perdre une partie de sa cohérence. Quant au troisième mouvement, même si les cordes sont élégantes, il n’aura pas atteint la plénitude que Haitink avait su insuffler dans cette page crépusculaire: le public n’en observa pas moins de longues secondes de silence après le dernier pizzicato, avant d’acclamer Blomstedt.
Si l’on revient en arrière, on se rend compte que la comparaison entre Blomstedt et Haitink peut également être faite à propos de la première partie du concert puisque, voilà presque trois ans jour pour jour, le grand chef amstellodamois dirigeait déjà le Triple Concerto avec, là aussi, un trio de jeunes solistes. En l’occurrence, c’est plutôt Blomstedt qui nous a semblé meilleur... Ce soir en effet, Isabelle Faust, Jean-Guihen Queyras et Martin Helmchen forment un ensemble de toute beauté, doué d’une entente et d’une écoute mutuelle des plus impressionnantes. La délicatesse des interventions (quel violon que celui d’Isabelle Faust!) et la caractérisation des traits (notamment du pianiste Martin Helmchen dans le troisième mouvement) conférèrent à ce concerto toute la liberté dont il a besoin pour briser le carcan habituel du jeu de rôle entre solistes et orchestre. Dirigeant ici encore sans baguette, Blomstedt fut pour sa part un accompagnateur exemplaire. En bis, les trois solistes donnèrent l’Adagio du Quatrième Trio du même Beethoven: ici encore, moment de félicité absolue...
A la fin, recevant des applaudissements mérités, Blomstedt applaudit de son côté les musiciens de l’Orchestre de Paris mais aussi, de façon ostensible, la salle de la Philharmonie qui, ce soir encore, offrit une acoustique absolument irréprochable et un cadre des plus grandioses pour assister à un concert. Que le public et les musiciens ont de la chance!
Le site de Jean-Guihen Queyras
Le site de Martin Helmchen
Sébastien Gauthier
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