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La noirceur du Freischütz

Limoges
Opéra-Théâtre
03/08/2015 -  et 10 mars 2015
Carl Maria von Weber : Der Freischütz
Andriy Maslakov (Kaspar, Samiel, Ein Eremit), Martin Homrich (Max), Ileana Montalbetti (Agathe), Anna Patalong (Annchen), Frédéric Caton (Kuno), Andreas Scheibner (Ottokar), Boris Grappe (Kilian), Nicloas Petisoff (L’Ombre)
Chœur de l’Opéra-Théâtre de Limoges, Jacques Maresch (chef de chœur), Orchestre de Limoges et du Limousin, Robert Tuohy (direction musicale)
David Gauchard (mise en scène), Nicolas Petisoff (collaboration artistique), Fabien Teigné (scénographie), Joël Viala (costumes), Christophe Chaupin (lumières), David Moreau (vidéo)


(© Thierry Laporte/Opéra de Limoges)


Nonobstant un budget modeste, l’Opéra de Limoges propose une saison audacieuse. Après avoir recréé avec L’Affaire Tailleferre les quatre mini-opéras d’une figure majeure de la vie musicale du siècle passé aujourd’hui oubliée, en novembre dernier, Alain Mercier, le directeur de l’institution limousine programme un classique du répertoire germanique encore peu en cour en France, Der Freischütz de Weber, et en a confié la production à une figure du théâtre novice dans le domaine lyrique.


Fidèle à son univers visuel, David Gauchard a inscrit sa lecture dans le noir presque sans échappatoire de la scénographie réalisée par Fabien Teigné et les costumes de Joël Viala. Elle présente au moins l’avantage de ne pas rechercher de stériles transpositions, et le panneau luminescent sur lequel se projettent les cibles et la rose nuptiale suffit à donner au conte une allure contemporaine, dont il sert la lisibilité. L’animation du titre en lettres gothiques compte parmi les belles trouvailles de la vidéo de David Moreau. Dans la sémiologie de l’ensemble, on pourra également évoquer les badigeons de rouge sur les blancs chiens de faïence, stigmates de la cruauté sanguinolente de la chasse. C’est cependant l’Ombre, rôdant avec son masque de métal, miroir de métal poli comme une statue de Brancusi, qui constitue à la fois l’apport original du travail et son fil conducteur, à la fois signe du mal – Samiel – et de la rédemption – l’Ermite. L’aura de Hölderlin plane sans doute au-dessus d’une telle interprétation.


On en retrouve la conséquence dans la distribution au même soliste des rôles de Kaspar, Samiel et l’Ermite. Si le second relève du registre parlé, l’accord entre les tessitures des deux autres peut tenir de la gageure, qu’Andriy Maslakov relève sans faiblesse. La basse slave réussit la schizophrénie au fond de la Gorge aux Loups, quoique l’hystérie à la septième balle penche vers un histrionisme avec lequel le chœur et ses murmures plus théâtraux que lyriques se montrent complices. Le reste du cast s’avère parfois inégal. Frédéric Caton incarne un Kuno paternel comme il se doit, et Boris Grappe affirme l’aplomb attendu de Kilian. Mais si Martin Homrich possède la couleur de Max, il lui manque l’endurance. L’équilibre entre Ileana Montalbetti et Anna Patalong prend le contrepied de celui que l’usage a consacré entre Agathe et Ännchen, l’impact vocal faisant souvent défaut à la première. Quant à l’Ottokar d’Andreas Scheibner, son autorité évidente ne connaît guère que la nasalité patriarche, certes généralement de circonstance.


A tout le moins, l’oreille pourra se réfugier dans la direction de Robert Tuohy, dont on avait déjà salué l’intelligence et l’artisanat accompli dans Carmen en janvier 2014. A la tête de l’Orchestre de Limoges et du Limousin, il fait respirer les textures éminemment germaniques de la partition, dont il sait les nombreuses virtualités, laissant ainsi s’épanouir les accents mendelssohniens ou berlioziens, comme les affinités beethovéniennes. A ce titre, Limoges rend justice à Weber, et cet honneur n’est pas mince en France.



Gilles Charlassier

 

 

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