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La science-fiction à l’opéra Paris Théâtre des Champs-Elysées 03/05/2015 - et 7* (Paris) 2015*, 24, 26, 28 (Lille) mars, 24, 26 avril (Lausanne) 2015 Dai Fujikura : Solaris (création) Sarah Tynan (Hari), Leigh Melrose (Kris Kelvin), Tom Randle (Snaut), Callum Thorpe (Gibarian), Marcus Farnsworth (Kris Kelvin offstage), Rihoko Sato (danseuse Hari), Václav Kunes (danseur Kelvin), Nicolas Le Riche (danseur Snaut), Saburo Teshigawara (danseur Gibarian)
Ircam, Gilbert Nouno (réalisation informatique musique), Ensemble intercontemporain, Erik Nielsen (direction musicale)
Saburo Teshigawara (mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, lumières), Ulf Langheinrich (images, collaboration à la conception lumières)
(© Vincent Pontet)
Commande conjointe du Théâtre des Champs-Elysées, de l’Opéra de Lille, de celui de Lausanne, de l’Ircam et de l’Ensemble intercontemporain, Solaris de Dai Fujikura (né en 1977) s’annonçait comme un événement majeur du début de l’année. Le Tout-Paris de la musique – et pas seulement – n’a pas manqué de s’y presser, attiré autant par les lunettes 3D pour la séquence initiale que pour Lem et Tarkovski, ou encore Saburo Teshigawara, à la fois chorégraphe, metteur en scène, scénographe et éclairagiste, mais aussi librettiste, adaptant le roman éponyme de science-fiction connu aussi dans son adaptation cinématographique. La cumulation des offices était peut-être excessive.
D’autant qu’elle occulte sans doute la principale raison d’une création lyrique, à savoir la musique. Celle de Fujikura, dont les débuts en Europe ont été soutenus par Peter Eötvös et Pierre Boulez, partage avec ce dernier une certaine pureté dans le matériel musical, quand bien même l’esthétique hypnotique a peu à voir avec la rigueur sérielle du compositeur français. Elaborée à partir d’un nombre restreint de cellules thématiques qui se transforment au fil des récurrences, la partition se distingue par une facture instrumentale raffinée, favorisant la fluidité des pupitres – la flûte d’Emmanuelle Ophèle en offre un exemple remarquable – et distillant une impression d’apesanteur temporelle, que restituent admirablement les musiciens de l’Intercontemporain sous la direction d’Erik Nielsen. Elle forme avec la conception visuelle une complémentarité jouant de la fascination.
Le résultat serait pleinement satisfaisant si l’écriture vocale ne restait prisonnière de la monotonie, victime d’un texte prolixe, et inutilement didactique. Du coup, le statisme des chanteurs, contrastant avec les mouvements des danseurs, se trouve accentué, dans une position d’avant-scène artificialisée. Non que les solistes déméritent, en particulier la Hari de Sarah Tynan, d’une plénitude qui aurait été magnifiée si les mots libéraient une véritable charge poétique. Leigh Melrose et Tom Randle assurent avec présence les rôles de Kris Kelvin et Snaut, quand Gibarian est dévolu à Callum Thorpe. L’écho hors scène de Kris Kelvin, à partir de la voix de Marcus Farnsworth, demeure captif d’une réalisation informatique certes soignée, mais peu inventive et passablement datée. Les balletomanes retrouveront avec plaisir un Nicolas Le Riche, récemment retraité de l’Opéra de Paris, mais nullement diminué, aux côtés du chorégraphe, Saburo Teshigawara, Rihoko Sato et Václav Kunes. On pourra goûter une gestuelle entre songe et hiératisme, sans pour autant trouver la cohérence d’un spectacle alourdi par une logorrhée envahissante. Reste à voir si les reprises au fil de la tournée pourront réguler la conception – en deux mois, on en peut douter.
Gilles Charlassier
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