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Bach en double

Montpellier
Opéra Comédie
02/02/2015 -  
«Projet Goldberg»
Johann Sebastian Bach/Dan Tepfer : Variations Goldberg, BWV 988

Dan Tepfer (piano)
Juliette Deschamps (film et dispositif scénique)


D. Tepfer (© Vincent Soyez)


A son arrivée à la tête de l’Opéra national de Montpellier, Valérie Chevalier a choisi de confier une résidence à Juliette Deschamps, et c’est par un concert né d’une rencontre que la metteur en scène l’inaugure.


Maîtrisant autant le répertoire que le jazz, Dan Tepfer a enregistré une lecture des Variations Goldberg – parue aux éditions Sunnyside/Naïve – où chacune des trente variations est suivie par une improvisation jazz. L’enchaînement dans la construction systématique se double ainsi d’un commentaire à la fois proche et libre, reprenant le matériel initial, jusque parfois dans la complexité du contrepoint, sans se limiter à un miroir que l’on ne mesurerait qu’à l’original. L’oreille peut ainsi être déroutée par cette rupture dans la continuité organique, mais en découvre progressivement une nouvelle dans ce dédoublement créatif. Adossée à celle du corpus de Bach, la logique de l’inventivité du pianiste s’épanouit en une échappée apparente avant d’en rejoindre les foyers essentiels. A cette aune, la manière dont les deux se retrouvent au point de réversion du recueil – en sa moitié – se révèle éloquent. Ce double voyage explore ainsi des couleurs et des rythmes inédits où le pôle «jazz» établit des secrètes affinités avec la rigueur de Bach – on signalera un sens commun de la lumière du clavier. Si le procédé s’inscrit résolument dans une dynamique improvisatrice, on peut aussi y entendre un discret pont avec la grande tradition de la variation dont l’Opus 111 de Beethoven constitue l’avatar le plus évident.





Juliette Deschamps s’est montrée sensible à cette intimité de la passerelle entre les genres et les histoires. Les trois prémisses qu’elle dévoile au début de sa vidéographie en témoignent, annonçant un entremêlement des thèmes: les enfants – Bach en eut vingt de deux lits différents et en perdit dix –, l’insomnie du commanditaire des Variations Goldberg et l’aphorisme de Cioran tiré des Syllogismes de l’amertume – «S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu». A la lumières de bougies, tantôt cierges, tantôt candélabres, le film muet plonge ainsi le spectateur dans la nuit, et parfois au voisinage de la fin et de la mort. Plutôt qu’une narration artificielle qui aurait recouvert le discours musical, l’artiste française privilégie des poses quasi picturales, entre sculpturalité et mobilité lente. S’il évite tout hiératisme, ce statisme se fige parfois dans un certain hypnotisme, qui affleure en particulier au cours de la première partie, quand les fils des deux textes musicaux semblent s’éloigner l’un de l’autre. On retiendra cependant des tableaux d’une grande force émotionnelle, à l’instar d’une conclusion à la grande retenue, presque éthérée, se maintenant à distance respectueuse de l’achèvement. La peinture laisse toujours une marge à l’imagination du spectateur, et Juliette Deschamps l’a parfaitement compris dans ce dispositif qui ne s’abîme jamais dans l’improbable illustration vidéographique de concert.


Notre entretien avec Juliette Deschamps
Le site de Dan Tepfer



Gilles Charlassier

 

 

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