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Un conte à la magie éthérée

Paris
Théâtre du Châtelet
02/09/2015 -  et 5, 7, 8, 9, 12 novembre (Lausanne), 3, 4, 6, 7 décembre (Lille) 2014, 6, 7, 8, 9, 10 janvier (Genève), 11, 12* février (Paris), 17, 18, 21 octobre (Liège) 2015
Michaël Levinas : Le Petit Prince
Jeanne Crousaud (Le Petit Prince), Vincent Lièvre-Picard (L’Aviateur), Catherine Trottmann (La Rose), Rodrigo Ferreira (Le Renard, Le Serpent), Alexandre Diakoff (Le Roi, L’Ivrogne, L’Allumeur de réverbères, L’Aiguilleur), Benoît Capt (Le Vaniteux, Le Financier, Le Géographe), Céline Soudain (La Rose multiple), Patrick Lapp (Le Narrateur)
Orchestre de Picardie, Arie van Beek (direction musicale)
Lilo Baur (mise en scène), Julian Crouch (décors et costumes), Fabrice Kebour (lumières), Arthur Touchais & Grégory Casares, tolmao.ch (design vidéo), Augustin Muller (réalisation en informatique musicale)


J. Crousaud, C. Soudain (© Marc Vanappelghem/Opéra de Lausanne)


Alors que le célèbre conte de Saint-Exupéry avait reçu des adaptations lyriques en plusieurs langues européennes, son idiome originel ne s’était pas encore accouplé à la musique. C’est désormais chose faite avec Le Petit Prince de Michaël Levinas, commande conjointe de l’Opéra de Lausanne, où la création mondiale s’est tenue en novembre dernier, Lille, Genève et Liège, que le Châtelet accueille pour trois représentations en février. Avec le compositeur français, familier de l’Ircam, on ne risquait guère l’insipidité néo-tonale. A l’opposé, la tentation intellectuelle se trouve tout aussi bien écartée. Si elle s’appuie çà et là sur l’adjonction d’informatique musicale, elle ne s’en fait nullement une unique raison d’être, et privilégie un langage proche de l’inflexion parlée, sans servilité. La transparence presque éthérée de l’écriture orchestrale transporte l’ensemble dans une délicate poésie fidèle à la subtilité du texte originel, et évite aux effets de caractérisation des parties vocales, à l’instar du serpent, de sonner platement exotique.


La mise en scène de Lilo Baur, décantée mais non austère, constitue en cela un excellent partenaire, opérant une remarquable synthèse entre le merveilleux et la pensée. A cette aune, le travail de Julian Crouch sur les décors et les costumes s’avère complété avec pertinence par les lumières de Fabrice Kebour comme la vidéographie imaginée par Arthur Touchais et Grégory Casares. La constellation d’étoiles sur laquelle se détachent des globes de terres plus ou moins gros selon les astres sur lesquels se posent les séquences, ou encore la nébulosité azur qui accompagne les premières phrases du narrateur, en donnent une belle illustration. Au chapitre de l’inventivité humoristique, on retiendra l’Ivrogne revêtu de bouteilles, avatar qui confirme la richesse de la palette expressive du spectacle, au diapason de l’ouvrage qu’il réussit à transformer sans le réduire significativement.


Outre la performance bien calibrée du Narrateur confié à Patrick Lapp – la prolongation microphonique évite toute réverbération excessive qui altérerait l’équilibre sonore de la production – on saluera d’abord celle de Jeanne Crousaud dans le rôle-titre, dont le babil clair traduit idéalement l’innocence juvénile nourrie d’une curiosité et d’une intelligence suprêmes. La soprano française sert admirablement une ligne souvent tendue comme l’inquiétude face à l’inconnu, sans que jamais l’acidité ne prenne l’ascendant. Les interventions successives des êtres que le héros rencontre ne manquent pas d’attrait. Vincent Lièvre-Picard incarne un Aviateur touchant de prosaïsme, quand Catherine Trottmann affirme la coquetterie de la Rose, et Céline Soudain celle de la Rose multiple. Rodrigo Ferreira fait résonner un bel ambitus de registres en Renard et Serpent. Alexandre Diakoff convainc en Roi, Ivrogne, Allumeur de réverbères et Aiguilleur, et Benoît Capt ne dépare point non plus – Vaniteux, Financier et Géographe. A la tête de l’Orchestre de Picardie, Arie van Beek participe à la réussite d’une création pour les petits comme pour les grands. Les plus grands contes s’adressent autant aux adultes, et Michaël Levinas a su prendre la mesure de l’enjeu.



Gilles Charlassier

 

 

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