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Résurrection de Rachmaninov

Nancy
Opéra
02/06/2015 -  et 8, 10, 12, 15 février 2015
Sergueï Rachmaninov : Aleko – Francesca da Rimini, opus 25
Alexander Vinogradov (Aleko), Suren Maksutov (Le jeune tzigane), Miklós Sebestyén (Le vieux tzigane), Gelena Gaskarova (Zemfira), Svetlana Lifar (La vieille tzigane), Ignor Gnidii (L’ombre de Virgile), Suren Maksutov (Dante), Lanceotto Malatesta (Alexander Vinogradov), Gelenaa Gaskarova (Francesca), Evgeny Liberman (Paolo), Florent Chartier, Iorhanne Da Cunhaa, Agnès Diwo, Laurent Diwo, Jérémie Duval, Martin Lallement, Aurore Vaicle, Diane Vaicle (acrobates), Michel Baudon, Marie Cambois, Morgan de Quelen, Johann Fourrière, Danielle Gabou, Romain Henry, Tony Marmot, Emilie Poinsignon, Olivier Tonon, Cloé Vannet (figurants)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Merion Powell (chef de chœur), Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Rani Calderon (direction musicale)
Silviu Purcãrete (mise en scène), Helmut Stürmer (décors, costumes), Jerry Skelton (lumières), Karel Vanek (chorégraphie), Rares Zaharia (assistant mise en scène)


Aleko


Fidèle à son habitude, l’Opéra national de Lorraine n’hésite pas à redonner une chance aux chefs-d’œuvre oubliés. Le doublé Rachmaninov présenté en ce début février en administre une remarquable preuve. Né sous la plume d’un jeune compositeur de dix-neuf ans, Aleko porte l’empreinte de ses maîtres, en particulier de Tchaïkovski, dont la Iolanta, exactement contemporaine, aurait trouvé, selon l’avis du musicien établi, dans l’ouvrage de son cadet un remarquable complément à son dernier opus lyrique. Sans se confondre, les styles entretiennent en effet d’indéniables parentés, en particulier dans les couleurs sombres des bois et une ligne mélodique assez ample à l’indéniable pouvoir évocateur, qui va sans doute au-delà d’une simple histoire de jalousie conjugale puisée chez Pouchkine et dans laquelle les mélomanes reconnaîtront l’archétype du Paillasse de Leoncavallo – on y retrouve le même univers marginal – même si la dramaturgie y est sensiblement plus resserrée, sans compter une généreuse séquence de ballet, dans la partition de laquelle s’affirme un soin délicat apporté aux pupitres.


Avec Francesca da Rimini, les muses ont pris leur source dans L’Enfer de Dante. Si l’histoire de Lanceotto Malatesta, homme difforme à qui son frère devait apporter l’épouse, sans prévoir que celle-ci tomberait amoureuse de son messager, n’est pas inconnue pour avoir été portée à la scène de la Bastille récemment dans la mouture de Zandonai, celle de Rachmaninov fait l’économie des préliminaires narratifs et concentre le propos autour de l’amour impossible et l’infidélité conjugale, qu’il insère au cœur du voyage de Dante sous la houlette de Virgile dans le sombre séjour, décrit au cours d’un vaste et puissant Prologue.



Francesca da Rimini


Toute l’habilité de Silviu Purcãrete consiste à imaginer une continuité entre les deux pièces, autant par un dispositif similaire que par des éléments récurrents, à l’instar de l’ours ou, mieux encore, du nain et du géant sur échasses, aux visages saltimbanques dans Aleko et cardinalices dans Francesca da Rimini, une des plus admirables trouvailles pantomimiques de la soirée, qui en relie les deux parties sans les confondre – au diapason de la chorégraphie de Karel Vanek, laquelle ne verse jamais dans la gratuité. Passé la somme toute bien relative et furtive disjonction entre l’oreille et le visuel, on se laisse porter par l’atmosphère de campement gitan dans Aleko où ne manquent ni la caravane, ni la voiture orange lustrée. On retrouve cette dernière à la fin de Francesca da Rimini, ce qui a surtout valeur de clin d’œil au sein d’une scénographie qui se réfère aux Enfers jusqu’à la saturation, l’au-delà envahissant de manière prémonitoire l’ici-bas de la cour de Malatesta, figuré par des rangées de squelettes sur chaise, tandis que les amours adultères sont mimées avec leurs doubles osseux. Reconnaissons également aux lumières de Jerry Skelton une fascinante efficacité.


Une distribution partagée pour les rôles principaux de chacune des œuvres s’imposait naturellement. Déjà applaudi en Zaccaria dans Nabucco en novembre dernier, Alexander Vinogradov s’affranchit sans peine des contraintes de santé annoncées en début de représentation, à l’évidence quasiment imperceptibles, et domine largement le plateau par sa présence et son naturel linguistique. L’autorité et la richesse du grain de la voix, l’émission souveraine, traduisent aussi bien la violence impulsive et les remords désemparés d’Aleko, que les tourments de Lanceotto Malatesta et ses calculs vers la vengeance meurtrière. Gelena Gaskarova révèle les aspérités de Zemfira, tandis qu’elle se montre plus inégale en Francesca. Suren Maksutov fait preuve d’une vigueur un peu brouillonne ça et là en jeune tzigane, que l’on retrouve modérée en Dante, tout en se révélant plus à la mesure du rôle qu’Evgeny Liberman en Paolo, en charge d’une écriture parfois redoutablement tendue. Mentionnons encore le vieux tzigane de Miklós Sebestyén, juste de paternalisme ou encore la vieille tzigane de Svetlana Lifar, aux interventions caractérisées, sans oublier l’ombre de Virgile, dévolue au solide Ignor Gnidii. Sans s’attarder sur les difficultés des parties confiées au chœur, saluons le travail de Rani Calderon, qui n’hésite pas faire sonner généreusement l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, et dont on verrait favorablement évoluer le statut de premier chef invité.



Gilles Charlassier

 

 

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