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Le retour en gloire de Karita Mattila

Paris
Opéra Bastille
01/22/2015 -  et 27, 31 janvier, 6, 9, 12, 17 février 2015
Richard Strauss : Ariadne auf Naxos, opus 60
Franz Grundheber (Der Haushofmeister), Martin Gantner (Ein Musiklehrer), Sophie Koch (Der Komponist), Klaus Florian Voigt (Der Tenor/Bacchus), Kévin Amel (Ein Offizier), Dietmar Kerschbaum (Ein Tanzmeister), Piotr Kumon (Ein Perückenmacher), Ugo Rabec (Ein Lakai), Elena Mosuc*/Daniela Fally (Zerbinetta), Karita Mattila (Primadonna/Ariadne), Olga Seliverstova (Najade), Agata Schmidt (Dryade), Ruzan Mantashyan (Echo), Edwin Crossley-Mercer (Harlekin), Oleksiy Palchikov (Scaramuccio), Andriy Gnatiuk (Truffaldino), Cyrille Dubois (Brighella)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Michael Schønwandt (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène)


(© Bernard-Coutant/Opéra national de Paris)


Un Bastille clairsemé pour la première de la reprise d’Ariane à Naxos : espérons que les autres représentations auront plus de succès. Voilà en effet une des réussites de Laurent Pelly et, à l’inverse de Don Giovanni donné en alternance, la musique est bien servie. Mise en scène vive et fine, gentiment déboutonnée, avec cette Ariane SDF abandonnée dans une villa inachevée, au bord de la plage d’une île grecque, rêvant un moment être enlevée par un Bacchus fantasmatique, comme si elle entrait dans le mythe – mais le dieu l’abandonne, tel Thésée hier. De jeunes touristes délurés ne peuvent l’arracher à sa détresse, eux qui ont introduit un peu d’irrévérence dans la villa Bauhaus du parvenu viennois. Cela dit, les metteurs en scène devraient être là pour les reprises : présentée pour la quatrième fois, cette Ariane a un peu perdu de sa fantaisie et de son rythme, même si on la regarde encore avec plaisir... alors qu’on enrage toujours de son transfert de Garnier à Bastille, dès la première reprise en 2004.


Cette légère baisse de régime touche surtout les passages commedia dell’arte. Il est vrai qu’Elena Mosuc, Zerbinette ce soir de première, a remplacé au dernier moment Daniela Fally, là où Laurent Pelly avait d’abord conçu une mise en scène sur mesure pour sa complice de toujours Natalie Dessay. Sans avoir la sensualité et la pétulance ambiguës de celle-ci, elle assure bien : voix agile et solide, technique adéquate, style pertinent. C’était là son premier répertoire, avant qu’elle n’aborde Norma ou Sémiramis avec plus ou moins de bonheur. Mais on n’a d’yeux que pour l’Ariane de Karita Mattila. Si la voix a perdu beaucoup de son éclat, elle a gardé son homogénéité, sans distorsion des registres. Et, surtout, le grand style straussien est là, avec la maîtrise du souffle, les longues phrases généreusement galbées, l’hédonisme de la couleur, la classe enfin. Il y a aussi cet art de la composition, cette présence frémissante, cette façon d’incarner, de donner corps et chair au personnage, dont la soprano finlandaise fait parfois, loin de le statufier, une fille de sa saisissante Salomé – on ne l’avait d’ailleurs pas revue à l’Opéra depuis la production de Lev Dodin en 2003.

Klaus Florian Voigt, lui, tranche sur les Heldentenöre à la peine : son émission haute lui permet de se mouvoir aisément dans le passage et l’aigu, où Strauss a sadiquement cantonné son dieu. Un dieu ici adolescent, comme dans l’histoire, moins près de Siegfried que de Lohengrin, qui semble plutôt venir de Montsalvat que de la grotte de Circé, plus extasié qu’irradiant, dont le chant très syllabé et uniforme, néanmoins, ne séduira pas tout le monde – alors qu’il doit, comme Ariane, se métamorphoser. Tel est en effet le vœu du Compositeur, auquel Sophie Koch, alors que les années passent, s’identifie toujours aussi absolument dans son costume étriqué de collégien complexé : un Compositeur vibrant, fougueux, inquiet, captant la moindre inflexion du texte. On passe, du coup, sur cette quinte aiguë qui a perdu de sa substance.


Maître de musique bien chantant de Martin Gantner, alors que beaucoup parlent à moitié le rôle, Majordome cyniquement distant de Franz Grundheber, selon une tradition bien établie de recyclage des barytons d’hier, comiques impeccables même si Edwin Crossley-Mercer n’a pas l’opulence vocale de Stéphane Degout, Nymphes charmantes : on a bien distribué cette Ariane, que Michael Schønwandt, fraîchement nommé directeur à Montpellier, dirige très subtilement, avec une clarté chambriste, très attentif à l’onctuosité de la pâte. Si certains préféreraient sans doute plus de rebond et de théâtre, nous avons aimé cette lecture pensée et construite, assez grave au demeurant, plus sensible au drame du Compositeur qu’au comique des situations dans le Prologue, gardant ensuite une certaine distance pour l’intermède commedia dell’arte : le chef danois veut avant tout préserver l’unité de la partition et nous rappeler que, du début à la fin, c’est d’Ariane qu’il s’agit.



Didier van Moere

 

 

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