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Une découverte heureuse

Strasbourg
Opéra national du Rhin
10/24/2014 -  et 26, 28 octobre, 5, 7* (Strasbourg), 21, 23 (Mulhouse) novembre 2014
Pietro Mascagni : L’amico Fritz
Teodor Ilincai (Fritz Kobus), Brigitta Kele (Suzel), Anna Radziejewska (Beppe), Elia Fabbian (David), Sévag Tachdjian (Hanezo), Mark Van Arsdale (Federico), Tatiana Anlauf (Caterina)
Choeurs de l’Opéra du Rhin, Orchestre philharmonique de Strasbourg, Paolo Carignani (direction)
Vincent Boussard (mise en scène), Vincent Lemaire (décors), Christian Lacroix (costumes), Guido Levi (lumières), Isabel Robson (vidéo)


T. Ilincai, B. Kele, T. Anlauf (© Alain Kaiser)


Une vraie rareté, L’amico Fritz de Mascagni ? Assurément oui. Et terra incognita même pour beaucoup de lyricomanes éclectiques, passé le souvenir de certain Duo des cerises, peut-être écouté l’une ou l’autre fois au disque par les alors juvéniles Mirella Freni et Luciano Pavarotti. Destin regrettable, pour cet ouvrage d’une qualité musicale supérieure à celle de Cavalleria rusticana, pièce à succès composée à peine un an auparavant, et qui en comparaison ressemble surtout à un habile amalgame de facilités et de trivialités. Seulement voilà, entre le mélo calciné et la romance campagnarde à l’eau de rose, même ineffablement parfumée, le public et les chanteurs ont fait leur choix depuis longtemps. Si Cavalleria rusticana a pris un gros coup de vieux mais s’est maintenu, L’Amico Fritz lui, a quasiment disparu des affiches, même en Italie.


On peut supposer que si Marc Clémeur a souhaité programmer L’amico Fritz à l’Opéra National du Rhin c’est bien sûr par recherche d’originalité mais aussi parce que l’ouvrage possède quelques racines alsaciennes. Encore que ni Mascagni ni ses librettistes ne semblent avoir attaché beaucoup d’importance à ce terroir-là, hormis quelques citations de chansons populaires. C’est surtout la simplicité inhabituelle de l’idylle qui a été recherchée, en tant que source d’émotions immédiates et sans apprêt. Et que l’intrigue se situe en Alsace, dans les Vosges ou dans une quelconque autre contrée située au nord des Alpes importait peu. Vincent Boussard, Vincent Lemaire et Christian Lacroix en ont profité pour expurger quasiment leur production de couleur locale, à quelques détails près. La servante Caterina, en tenue alsacienne traditionnelle, sert bien entendu à table du Baeckehoffe et du vin blanc, et Fritz monte sur une échelle pour accrocher un coucou de la forêt noire au mur d’une pièce par ailleurs totalement vide, mais les clichés folkloriques se limitent strictement à cela. Mais malgré cette parcimonie, c’est une ambiance adéquate qui se crée, d’un humour gentiment distancié qui n’exclut pas une évidente tendresse pour les personnages qui prennent vie sous nos yeux. Quelques vraies poules s’invitent sur le plateau et s’agitent autour de la jolie Suzel, le personnage du violoneux a des allures bohèmes voire un peu fantastiques parfois, au cours d’une scène onirique où s’invite aussi un usage plutôt original de la vidéo... Un travail intelligent et surtout jamais pesant. Somme toute exactement ce qu’il nous fallait pour découvrir cette œuvre fragile dans les meilleures conditions.


Paolo Carignani a profité de cette occasion de diriger une partition qu’il apprécie particulièrement et qu’il ne reprendra sans doute pas de si tôt. Sous sa direction experte l’Orchestre philharmonique de Strasbourg trouve immédiatement ses repères dans une écriture instrumentale foisonnante et variée, et ceci sans couvrir les chanteurs. Malgré l’acoustique problématique de la fosse la musique de Mascagni sonne bien, sans rien de massif ni de clinquant. Et le choix de la distribution, s’il a été à l’évidence influencé aussi par le physique des chanteurs, est dans l’ensemble très heureux. On peut trouver le ténor roumain Theodor Ilincai un peu raide et parfois instable en Fritz, mais il possède le bon format pour le rôle même si on apprécierait qu’il puisse en négocier certaines difficultés avec davantage de subtilité. En tout cas le personnage existe, avec ses timidités et ses emportements, d’autant plus crédibles que l’on sait d’avance qu’ils sont inutiles. Jolie Suzel de Brigitta Kele, actuellement en troupe au Deutsche Oper am Rhein dans des emplois de soprano lyrique, et savoureux David d’Elia Fabbian qui campe son rôle de rabbin marieur avec juste ce qu’il faut de distance sentencieuse.


Somme toute une soirée sans histoire : une belle œuvre à découvrir, et à laquelle on donne toutes ses chances en la respectant et en mettant ses qualités en valeur. Que demander de plus ? Une salle un peu plus remplie sans doute, mais la curiosité du public rhénan reste obstinément perfectible. Un problème qui n’existe pas que pour la part française du public de l’Opéra national du Rhin (le Staatstheater de Karlsruhe voisin connaît actuellement des problèmes de fréquentation similaires, dès qu’il s’écarte trop des sentiers battus...). En tout cas les nombreux jeunes et scolaires qui ont pu du coup avoir accès à la salle auront eu, on l’espère, une perception plutôt avenante du monde de l’opéra, avec cet ouvrage de surcroît idéalement dimensionné pour eux (90 minutes sans entracte).



Laurent Barthel

 

 

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