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Musique dans l’arène politique

Paris
Maison de la radio (Auditorium)
11/14/2014 -  
Henri Dutilleux : Slava’s Fanfare
Richard Wagner : Tannhäuser: Ouverture
Richard Strauss : Der Rosenkavalier, opus 59: Suite
Maurice Ravel : Boléro

Orchestre national de France Daniele Gatti (direction)


Serge Prokofiev : Roméo et Juliette, opus 64: Suite
Wolfgang Amadeus Mozart : Ave verum corpus, K. 618
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé: Suite n° 2

Chœur de Radio France, Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


(© Radio France/Christophe Abramowitz)


En préambule à la description du très attendu Auditorium de la Maison de la radio, la première des deux nouvelles salles censées changer radicalement le paysage musical parisien (et même aider à «repenser la vie musicale de demain» selon le message publicitaire que fait passer la future Philharmonie de Paris), et du contenu musical de sa soirée inaugurale du 14 novembre, deux mots de musico-politique. Le refrain entonné à chaque événement musical, message devenu éternel pendant les dernières décennies, «les politiques ne s’intéressent pas à la musique» avec sa variante «à la culture» est en voie de ringardisation. Il n’est que de se souvenir du parterre qui assistait il y a quatre mois aux adieux de Nicolas Le Riche au Palais Garnier: un rang entier d’officiels, un vrai Conseil des ministres. A l’inauguration de l’Auditorium de Radio France, on aurait pu se croire à l’Assemblée nationale. Au premier rang présidaient le Premier ministre, la ministre de la culture, la ministre de l’Education nationale et de la recherche, le maire de Paris, le préfet de Paris, entourés du jeune PDG de Radio France et des hautes autorités de l’audiovisuel (le président du CSA) et même du parti socialiste. Aux rangs suivants quatre anciens ministres de la culture, deux anciens gardes des sceaux (signalons au passage que, comme Jacques Toubon, Pierre Joxe ne peut être soupçonné de débarquer dans le paysage musical parisien, les deux ministres ayant toujours été l’exception à l’état de fait signalé plus haut), et autres grands commis de l’Etat avaient tenu à honorer cette soirée de leur présence.


Signé par les Français d’Architecture Studio (Gaspard Joly et Jean-François Bonne notamment), l’Auditorium est une belle salle de 1460 places de forme ovale et toute en hauteur, comportant trois niveaux de placement organisés de façon circulaire en balcons «en vignoble», un peu à la façon de la Philharmonie de Berlin, sans toutefois sa légèreté aérienne. L’éclairage, d’une bonne intimité, est agréable et reste en place pendant le concert. L’orchestre est situé au centre de l’arène et dispose de beaucoup d’espace pour déployer ses instruments. Il en résulte une grande proximité du public, aucun spectateur n’étant placé à plus de vingt mètres du chef. Le revêtement est fait de différents bois aux vertus acoustiques (hêtre, bouleau, merisier, chêne pour le parquet), dont le mélange n’est pas toujours esthétiquement heureux. L’orgue aux 5000 tuyaux construit en Catalogne par Gerhard Grenzing ne devrait pas être achevé avant août 2015. Malheureusement, et une fois de plus, on n’a pas songé au confort du spectateur, car les fauteuils sont très rapprochés et l’espace pour les jambes scandaleusement insuffisant. De même pour la commodité du public, les vestiaires et toilettes sont dissimulés dans des endroits peu faciles à trouver.


L’acoustique, signée par le Japonais Yasuhisa Toyota (cabinet Nagata Acoustics), est encore à l’étude. Elle est globalement satisfaisante dans son état actuel. Un peu sèche encore et trop sonore, elle offre à l’auditeur un confort bien supérieur à la salle de référence qu’est Pleyel, où les sons ont souvent tendance à se confondre où à ne pas révéler leur origine exacte. Ici c’est clair et précis et cette qualité se ressent lors de l’écoute des rediffusions sur France Musique.


Bien que cela fût incontournable, il est cruel d’avoir confronté au cours du même concert les deux formations symphoniques de Radio France, surtout avec des programmes aussi disparates et généreux, chaque orchestre ayant joué l’équivalent d’un concert entier. Daniele Gatti a ouvert le feu avec l’Orchestre national de France et un programme assez indigeste. On en a vu plus d’un manger son chapeau pendant l’interminable Suite de valses du «Chevalier à la rose» de Richard Strauss, que le chef italien a dirigée en allongeant interminablement ses tempi, en détaillant à l’extrême tous les détails possibles – ils sont nombreux – sans ne jamais donner une seconde le vertige de la valse viennoise qui est l’essence même de cette adaptation. Comme pour l’Ouverture de Tannhäuser qui précédait, un sort était fait à chaque rythme et la lourdeur des phrasés plombait gravement l’œuvre. Le Boléro de Ravel, œuvre la plus spectaculaire et la plus justifiée pour faire valoir un orchestre et surtout les qualités acoustiques de la nouvelle salle, après un début prometteur où les étranges alliances de timbres des vents et cuivres faisaient merveille sur l’ostinato de la caisse claire, la direction de Gatti, dès l’apparition des instruments en tutti, a viré à l’exécution militaire pure et simple, sans dégager ce frisson de folie qui doit exulter à la fin du parcours. Finalement, la très courte Slava’s Fanfare d’Henri Dutilleux, qui ouvrait la première partie du concert en aura été le meilleur moment.


Bien supérieure musicalement, la seconde partie dirigée par Myung-Whun Chung à la tête du bien meilleur Orchestre philharmonique de Radio France, enrichi de la présence de son Chœur, a démarré fort avec la Suite de Roméo et Juliette de Serge Prokofiev, dirigée tout en finesse avec des effets de timbres exquis et surtout un très grands sens théâtral et sans aucun effet appuyé. Le court Ave verum corpus de Mozart mettait ensuite en valeur la suprématie du Chœur de Radio France, tout comme dans la Seconde Suite de Daphnis et Chloé de Ravel, choix judicieux pour faire valoir les qualités d’équilibre et individuelles des pupitres de cette phalange. Sans s’encombrer d’un discours au contenu un peu politiquement douteux comme l’avait fait Gatti, le maestro Chung a annoncé «quasiment comme l’hymne national de la France» le Prélude de Carmen pour couronner en beauté son programme.


Le concert intégral sur ArteConcert:






Olivier Brunel

 

 

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