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Les nœuds de l’éclectisme

Mulhouse
Théâtre de la Filature
11/06/2014 -  et 7, 8 (Mulhouse), 20, 21, 22, 23, 24 (Strasbourg), 29, 30 (Colmar) novembre 2014
Deborah Colker :
Erika Bouvard, Susie Buisson, Sandra Ehrensperger, Ninon Fehrenbach, Sayoko Hirano, Sarah Hochster, Anna Ishii, Stéphanie Madec-Van Hoorde, Christelle Molard-Daujean, Céline Nunigé, Valeria Quintana Velasquez (danseuses), Jean-Sébastien Colau, Thomas Hinterberger, Dane Holland, Yann Lainé, Grégoire Lansier, Renjie Ma, Jean-Philippe Rivière, Marwik Schmitt, Alain Trividic, Alexandre Van Hoorde, Miao Zong (danseurs)
Deborah Colker (chorégraphie), Berna Ceppas (musique enregistrée), Gringo Cardia (décors), Alexandre Herchcovitch (costumes), Jorginho de Carvalho (lumières), Jacqueline Motta, José Alvarez (assistants à la chorégraphie)


A. Trividic, S. Hochster (© Jean-Luc Tanghe)


C’est par une brève allocution d’Ivan Cavallari que commence cette première soirée de la saison du Ballet de l’Opéra du Rhin, en hommage à Bertrand d’At, son prédécesseur à la tête de la compagnie alsacienne qui a tant fait pour elle, disparu en juillet dernier. L’éclectisme qu’il avait impulsé trouve un exemplaire avatar en , recréation de Deborah Colker pour l’Opéra du Rhin à partir de la chorégraphie imaginée en 2005 avec sa Companhia de Dança pour le festival Movimentos à Wolfsburg. Si l’on peut rappeler la traduction du titre, « nœuds » en portugais, métaphore philosophique et poétique du désir, tout autant que la dimension parfois très athlétique de la danse, reprenant des éléments acrobatiques provenant du cirque, entre autres horizons divers, le spectacle séduit d’abord par la remarquable énergie qu’il dégage, rythmée la partition de Berna Cappas.


D’un format très condensé – à peine plus d’une demi-heure chacune –, les deux parties déploient des atmosphères bien contrastées. Baignée dans des lumières de Jorginho de Carvalho où dominent les tons orangés tour à tour doux et vivifiants, la première partie s’articule autour d’un arbre de cordes, point de ralliement des couples, trios, quatuors ou quintettes qui se succèdent. Les phases presqu’éthérées, où les protagonistes se découvrent et semblent apprivoiser leurs pulsions ou leurs violences, alternent avec des accès de brutalité et de conglomérats électroacoustiques dans lesquels se distingue Renjie Ma, tantôt avec Thomas Hinterberger, dans une lutte virtuose confrontant quasi obsessionnellement jambes et pieds, tantôt retenant fermement d’une corde rouge Céline Nunigé, jusqu’à la sculpture du corps et de la tension désirante par la contrainte. Le tronc commun se disperse au fur et à mesure en des bouquets ou des forêts de lianes auxquelles un danseur met parfois en sustentation sa partenaire, en même que se multiplient les figures et les interactions. Le climax intervient avec la chute d’une toile pétulante d’orange sur fond d’échos d’Adagio du Concerto en sol de Ravel: admirable conclusion où convergent les contradictions de l’érotisme.


Ordonnée autour d’une boîte vitrée rouge en rotation sur elle-même, inspirée par le quartier éponyme d’Amsterdam selon les propres mots de Deborah Colker, la seconde partie joue sur l’opposition entre intérieur et extérieur, jusqu’aux confins du miroir et du voyeurisme. Les visages se lovent parfois dans la contemplation de leur double ou de l’être convoité, visible et pourtant inaccessible de l’autre côté. Mouvements autour, vers le dehors ou le dedans, la chorégraphie répète le schéma jusqu’à l’épuisement du contenant, finissant par tourner sur lui-même, entièrement vide. A l’inverse de la première partie de la soirée, composant des séquences identifiables, sinon plutôt classiques, à partir d’une variété d’affects, la seconde privilégie ainsi une sorte de mouvement perpétuel jusque dans la musique de Berna Ceppas qui se prolonge, comme une matière informe, jusqu’aux applaudissements. Résumé foisonnant autant que cohérent d’esthétiques divergentes, affirme la polyvalence du Ballet de l’Opéra du Rhin, à ce jour l’une des meilleures de la scène chorégraphique française, et y confirme sa place éminente.



Gilles Charlassier

 

 

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