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Un grand ténor tout simple

Baden-Baden
Festspielhaus
10/24/2014 -  
Airs et pages symphoniques de Wagner, Mozart, Flotow, Lehár et Hans May
Klaus Florian Vogt (ténor)
Staatskapelle Weimar, Stefan Solyom


K. F. Vogt, S. Solyom (© Marcus Gernsbeck)


Dans un récital de chant, ce n’est pas prioritairement pour l’orchestre que l’on se déplace, ce qui n’empêche pas ce dernier de nous y faire régulièrement patienter par quelques pages symphoniques, le temps que la vedette d’un soir puisse souffler un peu dans sa loge. Des chutes de tension que l’on accepte avec patience, a fortiori quand la phalange sollicitée est de bon niveau. Mais parfois on souffre davantage, et malheureusement avec la Staatskapelle de Weimar, c’est bien à cette seconde éventualité qu’il faut vite s’habituer.


D’emblée l’Ouverture des Maîtres chanteurs de Nuremberg paraît lourde, embarrassée de cuivres clinquants et de sonorités de cordes d’une curieuse viscosité, un peu gélatineuse. Mêmes problèmes pour une Chevauchée des Walkyries bien ordinaire. Le bref Prélude du troisième acte de Lohengrin paraît mieux maîtrisé, et en seconde partie les Ouvertures de La Flûte enchantée de Mozart et de Martha de Flotow se déroulent sans histoire, encore que faciles à oublier sitôt jouées, de même qu’une bien inutile valse L’Or et l’Argent de Lehár. Apparemment un orchestre d’un niveau modeste, même s’il reste d’une discipline allemande évidente (rien à voir avec le grand débraillé dont sont capables certains soirs des formations plus latines). A moins que ces médiocres moments soient d’abord à mettre au débit d’une direction sans aura (Stefan Solyom laisse dubitatif...). Pour mémoire, la Staatskapelle de Weimar fut longuement dirigée naguère par Franz Liszt, Richard Strauss (qui créa avec cet orchestre notamment Don Juan et Mort et Transfiguration) ou encore Hermann Abendroth. Mais c’était il y a fort longtemps...


Heureusement, on est venu pour Klaus Florian Vogt, un chanteur que l’on connaît et apprécie depuis longtemps (et même depuis ses presque débuts, sur des scènes secondaires, à Bonn, à Karlsruhe...) et là, comme d’habitude, on n’est pas déçu. Après dix années de carrière internationale, on retrouve la voix du ténor allemand exactement dans le même état, avec toujours la même facilité de projection et le même timbre d’une inaltérable luminosité. Phénomène d’ailleurs unique que cette émission qui paraît dépourvue d’effort et parvient cependant à porter le chant, et avec lui tous les mots du texte, avec une constante clarté. Cela dit, cette sensation ne peut être vécue que sur le vif, dans la vraie perspective sonore d’une salle. Au disque, et plus encore quand l’image d’une captation video s’en mêle, cette dimension manque cruellement, l’aplatissement de la perspective risquant même de faire paraître le timbre de Vogt incolore et son expressivité insuffisante, voire convenue. En public et à confortable distance l’effet est en revanche saisissant, la notion de beau chant, avec ce que cela peut comporter de simplicité et d’évidence, prenant ici toute sa signification.


Première partie wagnérienne, avec quelques chevaux de bataille de ce désormais grand habitué du Festival de Bayreuth. Airs malheureusement isolés de leur contexte, c’est la règle du concert, ce qui peut s’avérer frustrant surtout quand il faut subir après autant de grands élans durchkomponiert ces petites cadences parfaites gentiment stupides qui ont juste été rajoutées là pour signifier au public que l’air est terminé. D’abord deux fragments du premier acte des Maîtres chanteurs de Nuremberg, où la diction de Klaus Florian Vogt met impitoyablement en lumière un texte d’une qualité littéraire que l’on peut qualifier poliment de discutable. Une incarnation de Stolzing franche et sans apprêt, aux couleurs d’enluminure. Ensuite un Siegmund non moins clair, d’une pureté d’intonation qui nous rappelle tout ce que la brève séquence des Winterstürme doit encore à l’opéra romantique allemand d’un Weber voire d’un Marschner. Et enfin un récit du Graal de Lohengrin sans surprise : le rôle reste absolument idéal pour Vogt, tant vocalement que physiquement d’ailleurs.


En seconde partie, le ténor revient à un répertoire plus léger, qu’il n’a d’ailleurs jamais songé à quitter et qu’il défend toujours avec le même scrupuleux respect. L’air de Tamino de La Flûte enchantée, parfaitement maîtrisé malgré le volume exceptionnel de la voix, reste d’une agréable musicalité, de même que l’air de Lyonel de la Martha de Flotow ne paraît pas du tout surdimensionné. Deux extraits du Pays du sourire de Lehár, une chanson de Hans May, compositeur de musiques de film d’origine autrichienne, et en guise de dernier bis un air de Giuditta de Lehár, complètent ce panorama de musiques d’un lyrisme plus suave, dont Vogt parvient très justement à doser la sentimentalité typiquement germanique.


Concert par ailleurs détendu, avec un côté à bâtons rompus inhabituel, le chanteur saisissant régulièrement un micro pour préciser au public quelques détails sur l’opéra interprété, voire raconter des anecdotes sur sa propre carrière. Petits souvenirs souvent drôles, dont celui d’une entrée en scène laborieuse au premier acte de Lohengrin, coincé en armure sur un monte-charge resté bloqué un mètre en dessous du plateau et contraint d’escalader ce rebord inattendu avec tout un équipement de chevalier... En dépit du prestige d’une carrière qui le fait désormais voyager partout dans le monde, Klaus Florian Vogt a su garder intacts sa simplicité et son émerveillement des premiers jours, alors qu’il était encore corniste à l’Opéra de Hambourg et se découvrait une voix de ténor d’une surprenante ampleur !



Laurent Barthel

 

 

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