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Le Greco: les sons de la peinture Madrid Auditorio Nacional 10/28/2014 - «Les Musiques au temps du Greco» La Capella Reial de Catalunya, Hespèrion XXI et musiciens invités, Jordi Savall (direction)
J. Savall (© David Ignaszewski)
Jordi Savall, gambiste, chef d’orchestre, musicologue, a été pendant des décennies une des références majeures de la musique ancienne européenne. Bien avant son succès international avec Marin Marais, ses pièces pour viole de gambe et le film Tous les matins du monde, Savall était déjà bien connu des mélomanes d’Espagne et de bon nombre de pays européens. Il est un artiste au sens le plus large du concept, et il a été soutenu par les amateurs de musique ancienne, tout d’abord avec Hespèrion XX – désormais Hespèrion XXI – puis avec la Capella Reial de Catalunya. Quelques noms de sa troupe l’ont accompagné et aussi soutenu dans sa «mission» depuis le début, et au-delà de leur simple rôle d’instrumentistes: le gambiste Sergi Casademunt, le percussionniste Pedro Estevan et d’autres, spécialement la voix aujourd’hui malheureusement absente de Montserrat Figueras, disparue il y a trois ans – on regrette toujours Montserrat, sa voix exquise, son art exceptionnel.
C’est une coïncidence, mais force est de constater que le grand succès du programme «Les musiques au temps du Greco (1541-1614)», ce mardi 28 octobre, a été suivi, dès le lendemain, de l’attribution du Prix national de musique à Savall (même si celui-ci, en désaccord avec la politique du ministre de la Culture, a annoncé qu’il renonçait au prix). Et la réception de Savall à Madrid est toujours aussi chaleureuse, augmentée de la présence des caméras de la télévision publique pour enregistrer le concert. Madrid aime l’artiste catalan. D’ailleurs, à Madrid, les artistes catalans de tous les domaines sont très bien reçus et reconnus (au contraire des politiques). Le cycle «Universo Barroco» du Centre national de diffusion musicale accueille ce concert au début d’une saison remarquable – on a déjà écrit sur une très belle Alcina il y a deux semaines.
Le programme autour du Greco s’inscrit dans la lignée de précédents parcours historico-musicaux de Savall – l’Espagne de Don Quichotte, les Voyages de Christophe Colomb, les Borgia... – tous repris dans de très beaux livres-disques en plusieurs langues et souvent traduits en images documentaires. Savall, artiste mais aussi aussi savant et musicologue, est le pilier d’un programme où se produisent plusieurs musiciens, des voix, des instruments de l’époque – saqueboute, chalémie, dulciane... –, le tout dans un parcours par la Méditerranée et les musiques de la région de la Mare Nostrum, ou d’adoption, partant de la naissance de Domenico Theotocopouli en 1541 en Crète, jusqu’à sa mort en 1614 à Tolède, il y a exactement 400 ans.
De la polyphonie vivante – mais des musiciens déjà disparus avant le temps du Greco (Heinrich Isaac, Josquin des Prez, Cristóbal de Morales, celui-ci mort quand Domenico était un enfant) – jusqu’à la richesse des musiques semi-populaires des deux côtés de la Méditerranée: des musiques turques, des musiques moriscas (ne pas confondre avec «mauresques»), avec un très beau moment pour la voix de Driss El Maloumi et son oud (un instrument semblable au luth). Et, bien sûr, des musiciens espagnols de l’époque: Aguilera de Heredia, Francisco de la Torre, Tomás Luis de Victoria... Après tout, Savall est un champion de la musique espagnole ancienne. Sans lui, ces musiques ne seraient pas aussi connues.
Le succès a été incontestable. On pourra revoir la soirée, puisque des caméras étaient présentes, mais s’agissait-il simplement d’un enregistrement pour la télévision ou bien en vue d’une parution en DVD/Blu ray? Force est de saluer la beauté de ces 90 minutes de musique, mais aussi leur réception par le public de l’Auditorio Nacional, à Madrid.
Santiago Martín Bermúdez
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