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Le triomphe de l’apollinien

Geneva
Victoria Hall
10/24/2014 -  
Piotr Ilitch Tchaïkovski: La Tempête, opus 18
Claude Debussy: La Mer
Robert Schumann: Symphonie n° 3 “Rheinische”, opus 97

Chicago Symphony Orchestra, Riccardo Muti (direction)


R. Muti (© Todd Rosenberg Photography)


Zurich et Lucerne ont souvent accueilli l’Orchestre symphonique de Chicago mais c’est la première fois de son histoire que celui-ci se produit à Genève. C’est à nouveau à Steve Roger, le directeur de l’agence de concert Caecilia et, faut-il le rappeler, l’ancien directeur général de l’Orchestre de la Suisse Romande, que revient le mérite d’avoir réussi à faire venir dans la ville de Calvin un orchestre de cette stature après la venue les années passées des Philharmoniques de Berlin et de Vienne.


Lorsqu’en 2010, l’Orchestre symphonique de Chicago avait annoncé que Riccardo Muti devenait son nouveau directeur musical, il y eut une stupeur audible au Lincoln Center puisque le Philharmonique de New York avait parié sur la venue du prestigieux chef napolitain à sa tête. Mais il y a une logique artistique et musicale dans cette alliance puisque, plus que tout ensemble aux Etats-Unis, Chicago a été associé à des chefs comme Fritz Reiner ou Sir Goerg Solti, connus pour leur rigueur et leur exigence artistique, ainsi que des chefs italiens par excellence comme Claudio Abbado ou surtout Carlo Maria Giulini, qualités dont le style de Riccardo Muti représente une certaine synthèse.


Pour cette tournée européenne, Muti a choisi un programme varié mélangeant des styles russe, français et allemand qui permettent de démontrer la versatilité de son orchestre. Sous sa baguette, l’orchestre sait trouver dans l’Ouverture La Tempète un son «russe», compact et resserré, une transparence et des textures plus «françaises» dans La Mer, puis des couleurs plus chaudes, «allemandes» dirons-nous, dans la Symphonie “Rhénane”. La qualité instrumentale est d’un bout à l’autre d’un niveau exceptionnel, avec en particulier un pupitre de cuivres étincelant, brillant et capable d’une grande dynamique sans la moindre dureté ainsi que des cordes précises et chaleureuses.


Muti trouve beaucoup d’originalité dans le début de l’Ouverture de Tchaïkovski dont les triolets répétés aux cordes doublés de fanfares aux vents évoquent des textures orchestrales modernes qu’un Adams n’aurait pas reniées. Pris à un tempo lent, La Mer est d’une clarté aveuglante, nous permettant d’entendre un luxe de détails orchestraux sans que ne se brise le discours musical. Mais nous ne sommes ici proche d’une Méditerranée ensoleillée et bien loin des nuages de la Manche. Dans la Symphonie “Rhénane”, les tempi sont également mesurés mais comme le faisait un Karajan de son temps avec le Philharmonique de Berlin, la ligne ne se brise à aucun moment et le son garde plénitude et couleur. Il y a cependant devant tant de travail formel et cette réelle perfection instrumentale un bémol. Il manque une certaine passion. La Mer manque d’une certaine sensualité et la Symphonie “Rhénane” d’un peu de chaleur.


Devant une salle pleine à craquer et d’une attention rare, les musiciens ont reçu un accueil triomphal et ont donné en bis une Ouverture de Nabucco étonnante d’énergie et de panache, où l’on trouvait enfin un peu de caractère dionysiaque et théâtral pour respirer devant tant de perfection apollinienne.


Le site de l’Orchestre symphonique de Chicago



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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