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Un Vaisseau fantôme à grand spectacle Lyon Opéra 10/11/2014 - et 13, 15, 17, 19, 22, 24, 26 octobre 2014 Richard Wagner : Der fliegende Holländer Simon Neal (Le Hollandais), Falk Struckmann (Daland), Magdalena Anna Hoffmann (Senta), Tomislav Muzek (Erik), Luc Robert (Le Pilote), Eve-Maud Hubeaux (Mary)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Philip White (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Kazushi Ono (direction musicale)
Alex Ollé/La Fura dels Baus (mise en scène), Alfons Flores (décors), Josep Abril (costumes), Urs Schönebaum (lumières), Franc Aleu (vidéo)
(© Jean-Louis Fernandez)
En confiant les clefs du Vaisseau fantôme à Alex Ollé et ses comparses de la Fura dels Baus, Serge Dorny misait sur un Wagner spectaculaire. Sur ce registre, l’on a été servi. Dès l’Ouverture, vagues tempétueuses et éclairs vidéographiques se déchaînent, au-delà même de la satiété – problèmes de régulation technique a-t-on pu entendre. S’avance une carène de cargo, celle de Daland que le gros temps a fait échouer sur une étendue sablonneuse, tandis qu’une ancre tombe des cintres: le drame est amarré. Le Hollandais errant promène sa face blanchie à la chaux, salpêtre fantomatique qui renvoie aux projections de l’équipage du vaisseau maudit – bel exemple de virtuosité –, et Senta, en signe de partage de sa destinée, se recouvrira le visage de ce signe identitaire, mortel et rédempteur à la fois. Les moyens déployés par la scénographie d’Alfons Flores impressionnent – mention particulière à l’habileté avec laquelle le navire dévoile ses entrailles et se démembre au fur et à mesure de la soirée. Il n’est sans doute pas essentiel de faire le rapprochement avec quelque chantier de démolition navale du sous-continent indien, tant le propos demeure essentiellement illustratif. Si une actualisation politique affleure, elle reste suffisamment discrète pour ne pas dépasser le stade suggestif. L’on échappe au faix de transpositions conceptuelles pour mieux éviter de creuser les enjeux métaphysiques d’un livret à l’inspiration romantique déjà marqué du sceau de la Rédemption. Incontestablement maîtrisé, le travail de la compagnie catalane ne renouvelle guère la vision de l’ouvrage.
Dans le rôle-titre, Simon Neal fait valoir une belle présence, qui dépasse la grisaille tourmentée où l’on résume parfois le personnage. Falk Struckmann affirme un Daland solide où respire sa cupidité, à défaut d’un matériau parfaitement homogène. Douée de moyens indéniables, Magdalena Anna Hoffmann réserve à Senta un vibrato large, à la stabilité çà et là en conséquence, sans pour autant que ces perfectibilités n’impactent l’appréciable intensité de son incarnation. Si Eve-Marie Hubeaux ne démérite point, Tomislav Muzik possède la lumière et la couleur héroïque d’Erik, à défaut d’en tenir l’endurance avec un format à la limite. Quant au Pilote de Luc Robert, son entrée ne manque pas toujours d’imprécisions. A la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, Kazushi Ono, son directeur musical, livre une lecture vivante et contrastée, accentuant au besoin la verdeur des attaques dans la marine augurale – dont il donne la version initiale, de 1841, avec les trois accords secs, au diapason de son baguette vigoureuse. Les masses sonores détaillées avec soin pâtissent des faiblesses occasionnelles des cuivres. Nul en revanche à en déplorer du côté des chœurs, efficacement préparés par Philip White. Coproduit avec Lille, Bergen et Opera Australia, le spectacle devrait arriver sur la scène nordiste dans deux saisons.
Gilles Charlassier
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