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Slave et élégant

Toulouse
Théâtre du Capitole
09/30/2014 -  et 3, 5, 7, 9*, 12 octobre 2014
Giuseppe Verdi : Un ballo in maschera
Dmytro Popov (Riccardo), Keri Alkema (Amelia), Vitaliy Bilyy (Renato), Leonardo Neiva (Samuel), Oleg Budaratskiy (Tom), Aimery Lefèvre (Silvano), Julia Novikova (Oscar), Elena Manistina (Ulrica), Alfredo Poesina (Un juge), Jean-Luc Antoine (Un serviteur d’Amelia)
Chœur et Maîtrise du Capitole, Alfonso Caiani (direction des chœurs), Orchestre national du Capitole, Daniel Oren (direction musicale)
Vincent Boussard (mise en scène), Vincent Lemaire (décors), Christian Lacroix (costumes), Guido Levi (lumières)


(© Patrice Nin)


Vincent Boussard a l’habitude de réaliser des spectacles élégants, privilégiant le consensuel à l’audace théâtrale, et le Bal masqué proposé par le Capitole de Toulouse en ouverture de saison n’y fait pas exception. Au fond d’un plateau sobre se dessine la projection d’un visage au fusain que l’on imagine être celui de Gustave III, identité princeps du Comte Riccardo avant la censure, et dont la souveraineté transpire dans un livret parlant plus de nation que de région, même exilé à l’autre bout de l’Atlantique. Des larmes de sang coulent à la fin de chacun des trois premiers actes, anticipation du destin du souverain, tandis qu’un Oscar, les jambes en vinyle noir sortant de la chambre du roi pendant le prélude, évoque avec un sens peut-être germanophile du fétichisme – il s’agit ici d’une coproduction avec Nuremberg – les mœurs d’un despote éclairé penchant, aux yeux d’une certaine noblesse comploteuse, plus du côté du tyran que vers les Lumières. C’est vraisemblablement au volant d’une Ferrari rouge pour tout carrosse que se rendront Amelia et son époux à la fête que donne le Comte, à en juger par le gadget avec lequel joue le page au moment où il remet l’invitation. Collerettes et perruques se mélangent dans ce bal où dansent les époques, sans parvenir à rehausser une direction d’acteurs inachevée, ne tirant guère parti du double hasard qui a conduit Renato à l’assassinat – il est le premier à saluer son ami, sans rien savoir de la prophétie, et découvre sa femme à cause de la curiosité de Tom et Samuel. Les lumières de Guido Levi et les costumes imaginés par Christian Lacroix concourent au moins à l’agrément de l’œil.


Au sein d’une distribution majoritairement slave, l’américaine Keri Alkema incarne une Amelia consistante, qui livre le meilleur de son rôle dans un <«Morrò, ma prima in grazia» d’une belle intensité d’expression. Dmytro Popov fait valoir en Riccardo une voix suffisamment large, bien qu’il en exagère sans doute l’héroïsme. Même si l’on peut discuter l’adéquation de caractère, l’on goûtera une voix saine, projetée, et prometteuse, qui gagnera à davantage d’instinct dramatique. Celui de Vitaliy Bilyy cantonne Renato à une robustesse passablement monolithique, émondant l’évolution psychologique du personnage, de la fidélité à la traîtrise, émoussant du coup cette dernière, et la sympathie que cet homme dupé devrait susciter. Avec son timbre frais et gracile, Julia Novikova possède les atours d’Oscar, sans maîtriser la volubilité du style français que requiert son écriture, et son manque de vélocité, accompagné par la battue orchestrale, la dessert dans le «Saper vorreste». On oubliera en revanche la performance d’Elena Manistina, Ulrica sombre à la justesse et au matériau intermittents. Côté comprimarii, Leonardo Neiva et Oleg Budaratskiy se révèlent convaincants en Samuel et Tom. Aimery Lefèvre fait une intervention solide en Silvano, quand Alfredo Poesina – un juge – et Jean-Luc Antoine – un serviteur d’Amelia – complètent le plateau.


Préparés par Alfonso Caiani, le Chœur et la Maîtrise du Capitole font preuve d’une belle présence, soutenus par la direction efficace de Daniel Oren. Sous la baguette du chef israélien, l’Orchestre du Capitole fait primer la cohérence, ainsi qu’en témoigne un troisième acte où l’on attendrait le frémissement d’une sensibilité plus délicate. Il n’en reste pas moins l’artisan fédérateur d’une production honnête et habile, à défaut d’inspiration plus recherchée que l’œuvre pourrait susciter.



Gilles Charlassier

 

 

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