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La rose refleurit à Salzbourg Salzburg Grosses Festspielhaus 08/01/2014 - et 5, 8, 11, 14, 17, 20, 23* août 2014 Richard Strauss : Der Rosenkavalier, opus 59 Krassimira Stoyanova (Die Feldmarschallin Fürstin Werdenberg), Sophie Koch (Octavian), Mojca Erdmann (Sophie), Silvana Dussmann (Jungfer Marianne Leitmetzerin), Wiebke Lehmkuhl (Annina), Günther Groissböck (Der Baron Ochs auf Lerchenau), Adrian Eröd (Herr von Faninal), Rudolf Schasching (Valzacchi), Stefan Pop (Ein Sänger), Tobias Kehrer (Ein Polizeikommissar), Martin Piskorski (Der Haushofmeister bei Faninal), Franz Supper (Der Haushofmeister bei der Feldmarschallin), Dirk Aleschus (Ein Notar), Roman Sadnik (Ein Wirt), Andreja Zidaric, Phoebe Haines, Idunnu Münch (Drei adelige Waisen), Alexandra Flood (Eine Modistin), Franz Gürtelschmied (Ein Tierhändler), Rupert Grössinger (Leopold)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, Ernst Raffelsberger (préparation), Salzburger Festspiele und Theater Kinderchor, Wolfgang Götz (préparation), Wiener Philharmoniker, Franz Welser-Möst (direction musicale)
Harry Kupfer (mise en scène), Hans Schavernoch (décors), Yan Tax (costumes), Jürgen Hoffmann (lumières), Thomas Reimer (vidéo)
(© Salzburger Festspiele/Monika Rittershaus)
Le Chevalier à la Rose est l’un des ouvrages emblématiques du Festival de Salzbourg. Et pourtant, le chef-d’œuvre de Richard Strauss n’avait plus été représenté ici depuis 2004. L’injustice a été réparée cet été à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur. Salzbourg a étrenné une superbe production, réussie à tous points de vue.
Musicalement d’abord. Il faut dire que les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Vienne se sentent comme à la maison dans cette partition. La musique luxuriante de Strauss est royalement servie, et les interventions des instruments solistes sont une pure merveille, on pense notamment aux « pianissimi » du violon solo à la fin du premier acte. Franz Welser-Möst offre une lecture toute en nuances et en retenue, une lecture caractérisée par la noblesse et l’élégance, où chaque détail se fait clairement entendre, sans effets grandiloquents ni épanchements démesurés, avec un sens marqué de la cohérence d’ensemble et de la continuité dramatique, ainsi qu'avec un bel équilibre entre fosse et plateau.
Vocalement, la distribution est parfaitement homogène et d’excellent niveau. Elle est emmenée par la superbe Maréchale de Krassimira Stoyanova, qui éblouit par sa diction impeccable, sa maîtrise de la ligne de chant, son timbre riche et corsé, ses superbes sons filés ainsi que ses nuances infinies. Le Baron Ochs de Günther Groissböck fait, lui aussi, forte impression. Pour une fois, le rôle n’est pas interprété par un vieux monsieur ridicule et bedonnant, mais par un homme encore jeune, au physique athlétique et avenant, une sorte de Don Juan sexy, ce qui change la perspective, quand bien même le chanteur n’est pas très nuancé, forçant sur le « forte ». Sophie Koch, déjà Octavian dans la production de Robert Carsen en 2004, incarne son personnage avec beaucoup de sensibilité et de classe, la voix est claire et puissante, le médium particulièrement riche, alors que les aigus paraissent un peu durs. La Sophie de Mojca Erdmann est légèrement en-dessous, en raison notamment de sa projection limitée dans l‘immense salle du Grosses Festspielhaus, mais la voix est agréablement fraîche et juvénile. Si l’excellent Faninal d’Adrian Eröd mérite, lui aussi, d’être mentionné, le reste de la distribution n’en est pas moins remarquable.
Scéniquement pour terminer, le spectacle est un régal pour les yeux. Il y a certes bien longtemps qu’Harry Kupfer ne révolutionne plus ni le théâtre ni l’opéra. Néanmoins, son Chevalier salzbourgeois est une production classique et traditionnelle, au meilleur sens du terme, d’excellente facture, avec en fond de scène de magnifiques photographies noir-blanc de Vienne, avec ses toits, ses palais, ses rues et ses jardins. L’aspect visuel domine, dans des tons gris associés à la mélancolie et à la nostalgie, mais la direction d’acteur est également finement dosée.
Ce parfait équilibre ne s’est pas retrouvé dans Il trovatore, l’autre spectacle phare de l’édition 2014. On y a admiré la Léonore superlative d’Anna Netrebko et le Manrico ardent de Francesco Meli, mais la direction musicale sans flamme de Daniele Gatti a plombé la représentation, de même que l’inadéquation de Marie-Nicole Lemieux en Azucena. Malade, Placido Domingo a été remplacé pour les trois dernières représentations par Artur Rucinski dans le rôle du Comte de Luna.
Le cru 2014 du festival de Salzbourg est le troisième et dernier dirigé par Alexander Pereira, en partance pour Milan. Son idylle avec la ville de Mozart aura très vite tourné court. On imagine aisément que les coulisses de la célèbre manifestation, avec leurs nombreux coups bas, n’ont rien à envier à ce qu’on voit sur scène. Les personnes qui ont nommé Pereira en toute connaissance de cause lui ont rapidement reproché sa « folie des grandeurs » et son attirance excessive pour les stars du chant. En 2015, la rigueur sera au programme à Salzbourg, avec une réduction de la durée du festival et du nombre de représentations à l’affiche. Les productions seront à nouveau reprises d’année en année, ce que Pereira, qui souhaitait apporter une touche d’exclusivité, n’avait pas voulu. La direction de la manifestation sera assurée par Sven-Eric Bechtolf, responsable jusqu’ici du volet théâtre, et par l’indéboulonnable Helga Rabl-Stadler, présidente du comité de surveillance et véritable croqueuse d’intendants. On s’en souvient, c’est elle qui, déjà, avait eu raison de Gerard Mortier.
Claudio Poloni
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