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Sous le signe de l’Espagne: l’éclectisme comme vertu Les Arcs Arc 1600 (Coupole) 08/02/2014 - Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor avec flûte n° 3 en do majeur, K. 285b [1]
Martin Matalon : Traces I pour violoncelle [2]
Rodolfo Halffter : Marinero en tierra, opus 27 [3]
Johannes Brahms : Trio avec piano n° 1 en si majeur, opus 8 [4] Ruth Rosique [3] (soprano), Silvia Careddu [1] (flûte), Nathalie Chabot [1], Pierre Fouchenneret [4] (violon), Michel Michalakakos [1] (alto), Xavier Gagnepain [2, 4], Anssi Karttunen [1] (violoncelle), Eliane Reyes [3], Jean-Claude Vanden Eynden [4] (piano)
A près de 2000 mètres d’altitude, le festival des Arcs, doublé d’une académie, se tient perché depuis plus de quarante ans au-dessus de Bourg-Saint-Maurice. Outre l’attention aux jeunes artistes, en formation ou confirmés, chaque édition se place sous une thématique fédératrice, et celle de 2014 a choisi l’Espagne pour héraldique, laquelle avait fourni, aux sombres heures de la guerre civile, un contingent de réfugiés affectés entre autres à la réalisation de la route des Arcs. Si la péninsule ibérique a généreusement sollicité l’imaginaire français, force est de constater que le corpus authentique reste largement méconnu. C’est ainsi qu’en ce premier samedi d’août, s’isolant de l’orage qui gronde au-dehors, les auditeurs qui se sont réfugiés dans la Coupole peuvent découvrir le Marinero en tierra de Rodolfo Halffter. Accompagnée au piano par la sensible Eliane Reyes, Ruth Rosique fait vibrer cette évocation des amours et du large qui n’a pas peur de la couleur et de la tonalité à une époque où celle-ci se trouvait souvent disqualifiée. On se laisse aisément porter par ce recueil de cinq courtes pièces qui témoignent de leur élément marin.
M. Matalon
Comme chaque été, le festival invite un compositeur en résidence, et sous le drapeau de l’hispanité, Martin Matalon ne pouvait s’avérer plus à propos. Si le dixième numéro de son cycle Traces a été créé le 31 juillet par Bruno Maurice à l’accordéon – il s’agissait d’une commande du festival – c’est le premier que Xavier Gagnepain joue au violoncelle, complété d’un dispositif électroacoustique qui fonctionne comme en écho des coups d’archet. On y retrouve les indications liminaires données par Matalon lui-même: la partie initiale s’étire sur des attaques linéaires qui se prolongent vers l’indéfini, tandis que la seconde s’élabore autour de formules thématiques qui reviennent en boucle. L’habilité augurale – un peu académique avouons-le – cède alors à une inventivité entrainante, et on se laisse prendre sans peine aux effets de spirale.
On retrouve le violoncelliste français aux côtés de Pierre Fouchenneret et Jean-Claude Vanden Eynden pour le Premier Trio de Brahms. Si le mot alchimie peut avoir une incarnation, c’est bien là que l’on a pu l’entendre: le violon charnu et sensible de Pierre Fouchenneret s’accorde au son à la fois souple et charpenté de Xavier Gagnepain avec naturel et évidence, soutenus par un piano d’une admirable fluidité. L’inspiration romantique n’a alors nul besoin d’excès pour se donner avec générosité et sincérité. Mentionnons enfin la fraîcheur du Quatuor avec flûte en do majeur de Mozart qui a ouvert le concert, avec le babil aérien de Silvia Careddu. On ne saurait mieux dire que l’éclectisme est ici, aux Arcs, une authentique vertu.
Le site du festival des Arcs
Gilles Charlassier
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