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03/04/2003
La face cachée du Monde
Pierre Péan, Philippe Cohen
Mille et une nuits, 634 pages, 24 euros




Ce livre, qui fait trembler Le Monde sur ses bases, a déjà fait beaucoup parlé de lui, il aborde des sujets qui sortent du cadre de ce site, nous ne les commenterons donc pas, même si l’auteur de ces lignes, à titre personnel, vous en recommande chaleureusement la lecture. Une référence, cependant, est faite à la critique musicale de ce quotidien (page 266) que nous ne pouvions pas passer sous silence. Dans un chapitre intitulé «Le Monde tel qu’il hait», Pierre Péan et Philippe Cohen cherchent à comprendre ce qui peut valoir, d’un coup et sans raison apparente, la haine du journal à l’encontre de telle ou telle personne. Il prennent justement comme exemple la violente attaque de Renaud Machart contre le directeur de l’Opéra National de Paris, Hugues Gall : «Depuis qu’il est en poste, les échecs artistiques ne cessent de s’accumuler. La raison profonde de ces échecs est fâcheusement évidente et se résume à une seule question : l’Opéra de Paris est-il dirigé artistiquement ?» (édition du 1er avril 2002, extrait cité dans l’ouvrage). Les auteurs n’ont pas de mal à mettre en évidence l’injustice de cette accusation en citant des articles du même journal vantant les réussites de cette maison (Platée, Manon, K... etc) ! «Pourquoi tant de haine ?» alors, interrogent Péan et Cohen ? Nous sommes ici au cœur de ce que dénoncent les auteurs et que résume le sous titre de leur ouvrage, «Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir». Selon eux, au-delà de haines idéologiquement motivées (et donc «compréhensibles») à l’encontre de certains penseurs ou responsables politiques, le «nouveau Monde» développe une stratégie de pouvoir et d’intimidation qui peut amener à condamner tel individu qui aura eu «la malchance d’évoluer à un carrefour où se jouaient certains intérêts de l’ «organisation Le Monde» (page 267). «Au reste, le pouvoir d’intimidation du Monde suppose qu’il démontre de temps à autre sa capacité de ruiner «gratuitement» une carrière ou une réputation. Il suffira ensuite de brandir la menace pour que l’impétrant fasse le bon choix : silence bienveillant, obole publicitaire, traitement de faveur des journalistes du Monde» , ajoutent-ils. Avertissement aux directeurs d’opéras : même si vous faites de bons spectacles, on peut vous «griller» quand on veut.


D’autant que les attaques continuent (c’est nous qui parlons ici) avec le large écho donné dans Le Monde aux accusations de harcèlement moral à l’encontre de la directrice de la danse de la maison, Claude Bessy, ainsi qu’à la menace, brandie par un syndicaliste et vite retombée comme un soufflé, de la fermeture de Bastille pour des raisons de sécurité. Les journalistes qualifient même de «patate chaude» l’héritage qu’il lèguera à son successeur, mais Hugues Gall n’a aucun mal, dans une tribune publiée dans le «quotidien de référence», à démontrer l’inanité de cette expression par des arguments sérieux (équilibre financier, 96,3 % de taux de remplissage, etc). Car l’on sait, depuis que le ministère de la culture l’a annoncé le 10 décembre 2001, que Gérard Mortier succédera à Hugues Gall à la tête la «grande boutique» le 31 juillet 2004. S’agit-il de noircir le bilan de celui qui s’apprête à passer la main pour mieux enjoliver les débuts de son successeur (que l’on aurait par ailleurs «conseillé» de nommer à ce poste ?), ou s’agit-il de lui lancer des avertissements pour qu’il reste docile («l’obole publicitaire»), il est encore trop tôt pour le déterminer. A moins que ce soit les deux à la fois.


Continuons à dérouler le fil : Péan et Cohen expliquent qu’il faut, pour le journal, «ancrer cette force d’intimidation sur des bases économiques» (page 609), d’où le renforcement (c’est un euphémisme) des liens entre les 73 entreprises actionnaires du Monde et sa direction, l’acquisition du groupe Midi Libre, celles probables de Télérama (en fait le groupe PVC) et du Nouvel Observateur ainsi que les multiples partenariats («des amitiés ou des complaisances intéressées», page 613) avec RTL, LCI, TF1, France 2, France culture etc. Ceci pourrait fournir une explication, pour revenir au domaine de la critique musicale, à la présence (comme pigistes) des journalistes du Monde Alain Lompech et Renaud Machart chez notre excellent confrère Diapason (et France musiques pour ce dernier, liste non exhautive...), par exemple et sous toutes réserves bien sûr. Pour qualifier la croissance des ramifications (capitalistiques, partenariales, relationnelles) du quotidien, les auteurs emploient le mot de pieuvre.


C’est tout l’intérêt de La face cachée du Monde que de démonter ces mécanismes et de dévoiler des méthodes peu avouables. Concernant cette affaire, le site Internet de L’Express a mis en place un forum intitulé : «Peut-on encore lire Le Monde ?». C’est effectivement la bonne question. Pour la rubrique critique musicale en tout cas, pour les autres, que chacun se fasse son jugement à la lecture de ce livre-événement...




Philippe Herlin

 

 

 

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