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10/24/2001 Philippe Sollers Mystérieux Mozart
Plon 2001 - 18,40 €
Il faut se précipiter sur le merveilleux livre que Philippe Sollers vient de consacrer à Mozart. Modèle de subjectivité, il touche aussi à l'universel et il se pourrait bien qu'il fasse comprendre Mozart et sa musique mieux que toute une pile de traités savants ou de biographies autorisées !
Apparemment très paradoxale semble pourtant la façon de procéder de Sollers. Il tisse une trame tout à fait rigoureuse avec une superbe construction en trois parties -le corps, l'âme et l'esprit- sur fond de déroulement chronologique ; mais sur cette trame solide, il brode dans tous les sens, multipliant les points de vue, les associations libres, les jeux de mots, les a-parte érudits ou personnels, les souvenirs de voyage, les métaphores, les citations de Rimbaud, de Nietzsche ou de Baudelaire. Un véritable régal en osmose totale avec l'esprit de Mozart, tel en particulier que le révèlent ses lettres dont Sollers montre à plusieurs reprises, -larges et savoureuses citations à l'appui-, comme elles sont fondamentales pour comprendre de l'intérieur l'art mozartien. La force de Sollers, homme de lettres et de mots, est de renvoyer sans cesse à la musique. De Mozart, dit-il, on a pensé telle chose, on a jugé tel comportement, on n'a pas compris telle réaction, mais écoutez donc sa musique ! Le jeune homme écrit des lettres étrangement indifférentes au moment de la mort de sa mère à Paris ? Mais jouez-vous "les sonates qu'il a composées à l'époque, sans aucune commande, pour se parler à lui-même". Et d'analyser ensuite les œuvres en question, la sonate n° 21 en mi mineur K 304 pour piano et violon et la sonate pour piano n° 8 en la mineur K 310 : "fermeté, courage, lutte avec l'ange, tremblement de Dieu. La tristesse est là mais la musique dit « Quand même ! » Et quel talent pour raconter l'intrigue des opéras ! Les directeurs de théâtre, les responsables éditoriaux de maisons de disque et les concepteurs de programmes de concert devraient s'arracher Sollers qui dénoue les fils de l'action et présente chaque personnage comme s'il était une connaissance personnelle ! Avec un humour décapant et un sens de l'action dramatique formidables ! Car ce livre qui sait fait la part de l'humain dans ses plus grandes profondeurs, fait aussi rire aux larmes à plusieurs reprises. Soit à cause des lettres de Mozart, soit par la façon dont Sollers s'implique et commente l'action à sa façon, primesautière et si vivante.
Sollers-Don Giovanni, libre de tout préjugé et de tout carcan érudit (mais néanmoins très fin connaisseur de l'homme et de l'œuvre) invite son lecture à suivre la véritable flûte enchantée qu'est son ouvrage. Au dos du livre, on le voit jouant le pianoforte de Mozart à Salzbourg et on ne peut s'empêcher de penser que Mozart est entré subrepticement et est venu conforter quelques-unes de ses intuitions. Sollers communique à son lecteur cette impression de présence tangible de Mozart. Oubliés le camphre et la naphtaline et viva la libertà !
Florence Trocmé
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