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05/11/2025
Angelo Orcalli : Hugues Dufourt / Les Continents d’après Tiepolo
Traduction de l’italien par Pietro Milli, avec la collaboration de Laurent Feneyrou
Contrechamps poche – 282 pages – 15 euros





On célèbre en Hugues Dufourt l’un des maîtres de la musique spectrale, dont il a forgé l’appellation dans un article de 1979 ; le compositeur né en 1943 compte aussi au nombre des grands penseurs sur l’art à travers de multiples écrits et articles où il manie les concepts avec virtuosité, fort de sa formation parallèle de philosophe (agrégation en 1967).


Angelo Orcalli consacre toute la première partie du livre à décrire les principaux enjeux du mouvement spectral et à retracer l’émergence de l’œuvre de Dufourt dont « plus d’une trentaine de titres » évoquent peintures, gravures ou sculptures. On peut même avancer que le Lyonnais a fait de l’ekphrasis (c’est, soit dit en passant, le titre d’une des dernières œuvres pour orchestre de Berio) sonore un trait saillant de son catalogue, comme l’atteste le cycle emblématique des Continents d’après Tiepolo (2005‑2016). Ces quatre partitions « naissent d’une réflexion sur les résultats de l’expérimentation musicale menée à l’aide de moyens informatiques, dont Dufourt a tiré d’importants éléments conceptuels et des suggestions compositionnelles ».


Angelo Orcalli multiplie les références (de l’Antiquité aux écrits de Dufourt lui‑même en passant par Hegel) afin de décortiquer les notions d’art, d’harmonie puis de timbre, dont le processus de « désoccultation » se révèle l’un des enjeux majeurs du spectralisme après la fétichisation de l’intervalle propre à la combinatoire post‑webernienne. Si le nom de Scelsi, curieusement, n’est guère mis en avant (regrettons au passage l’absence d’index), l’auteur souligne la « filiation varésienne » perceptible dans l’utilisation élargie des percussions et la prédilection pour les instruments à vent. La seconde partie ajuste la focale sur les œuvres au programme, avec une analyse détaillée et linéaire de L’Afrique et L’Asie, suivie d’une analyse plus succincte de L’Europe et L’Amérique.


Grand connaisseur de l’œuvre de Dufourt, Angelo Orcalli, fort de sa triple formation musicologique, scientifique et philosophique, semblait tout indiqué pour accomplir ce travail. Dommage que son discours – tel que la traduction nous le donne à lire – entre dans des considérations scientifiques interdites aux néophytes et se perde si souvent en digressions hermétiques (et leur cortège de notes de bas de page disproportionnées). Toute la partie sur « La musique comme processus auto‑génératif : le modèle organiciste de Grisey » ressortit de ces prolégomènes que le lecteur admet comme indispensables mais qui se révèlent vite pénibles. Et que dire d’une phrase comme celle‑ci, aussi absconse à la cinquième lecture qu’à la première ? : « La spatialisation fluctuante et sans perspective, l’instabilité des apparences et les frontières de plus en plus floues entre vérité et émotion, entre réalité et imagination, sont des traits caractéristiques de l’écriture musicale du compositeur lyonnais ».


Force est de reconnaître que les autres volumes de cette excellente collection Contrechamps poche nous ont habitué à des propos sinon plus pédagogiques, du moins plus intelligibles : la clarté méridienne dont font preuve Alain Poirier (Coro de Berio) et Jean‑François Boukobza (Etudes de Ligeti) – pour ne citer que ces exemples – en témoigne.


Jérémie Bigorie

 

 

 

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