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10/07/2001 Henri Sauguet : la musique, ma vie Séguier Editions, 432 pages, 210 F, 32,10 €.
Les éditions Séguier proposent aujourd'hui une réédition tout à fait bienvenue de "l'autobiographie" d'Henri Sauguet. Un terme qu'il aurait sans doute récusé : il se contenta en effet de rédiger ses souvenirs sur quelque huit cahiers d'écolier à spirales. Remplis, été après été, de 1976 à 1989, sans qu'il puisse aller au terme de l'histoire, la maladie et la mort l'ayant interrompu quelque part vers les années 1945.
C'est un merveilleux récit, d'une fraîcheur et d'une modestie exceptionnelles, tout en étant empreint d'une vitalité extraordinaire. Passionnant aussi en ce qu'il révèle la patiente construction de l'art de Sauguet et son enracinement dans une période d'une richesse extrême. Il a rencontré, côtoyé, aimé tout ce qui a compté dans l' éblouissante vie parisienne des années 20 et 30. Il fut l'ami ou le disciple de Satie, de Milhaud, de Max Jacob, trois personnages majeurs dont il dresse des portraits vivants, attachants, émouvants, des portraits qui, à leur manière propre, contribuent à l'histoire de la musique et de la littérature de cette époque.
Son parcours pourtant ne fut pas facile : il était né dans une famille de la bourgeoisie bordelaise, une famille sans tradition artistique et qui lui mit des bâtons dans les roues. Mais il était littéralement habité par la musique et parvint à ses fins, composer, à travers un parcours chaotique ; il fut pendant des années obligé de pratiquer des taches alimentaires de secrétaire pour subvenir à ses besoins, tout en apprenant, totalement en dehors des circuits traditionnels, son métier de compositeur avec un Canteloube ou un Koechlin. La part la plus attachante du récit concerne précisément ces années d'apprentissage. Son enfance, la guerre, Bordeaux, Montauban, Toulouse, ses amitiés, les premiers concerts qu'il organise, son arrivée tant attendue et ses débuts à Paris. Si le récit se fait un peu plus monotone quand il enchaîne les innombrables anecdotes ayant trait à tous ses ballets, il fourmille d'aperçus pittoresques sur Diaghilev ou Bérard, Cocteau ou Gide et se dévore comme un roman. C'est écrit au fil de la plume, au fil du souvenir, sans prétention et avec constamment une sorte d'émerveillement devant ce qu'il ressent comme sa chance, même s'il sait quel prix il l'a payée : "je n'ai rien obtenu, écrit-il, que je n'aie longuement désiré et, très souvent, difficilement conquis".
Un bien joli livre complété par deux cahiers d'illustrations, l'un de photos, l'autre de beaux fac-simile de lettres de Claudel, Milhaud, Cocteau, Max Jacob et de programmes de concert. Mais curieusement aucune reproduction de l'écriture de Sauguet ou d'un original d'une de ses partitions : c'est dommage !
Florence Trocmé
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