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04/08/2023
Jean-Jacques Griot : Ecouter la musique classique, ça s’apprend !
Editions Eyrolles – 214 pages – 12 euros





Jean-Jacques Griot, musicologue et conférencier, n’est pas le premier à s’interroger sur les moyens d’attirer davantage de public vers la musique classique. Bruno Ory‑Lavollée avait, par d’autres voies, parcouru la même problématique en 2015 (Aimez‑vous Beethoven ?, Le Passeur Editeur) comme Benjamin François en 2018 mêlant gradus d’œuvres selon leur durée puis leur chronologie (Les 100 chefs‑d’œuvre du classique pour les nuls, First Editions). Ici, l’auteur propose successivement de prendre du temps (à juste titre), de se mettre à l’écoute, de dissocier chant et accompagnement, de repérer les phases de tension et de détente ainsi que les formes musicales, de distinguer récitatifs et airs, de se méfier des titres des œuvres (bonne idée en effet), de prendre connaissance des grandes familles d’instruments et de l’organisation des partitions puis des genres musicaux avant de présenter une petite histoire des applaudissements, le tout étant censé être un guide d’écoute d’extraits musicaux disponibles via un flash code.


L’ouvrage, destiné « à tous ceux qui aiment la musique classique », dont font naturellement partie les lecteurs de ConcertoNet, est pourtant assez décevant.


D’abord, on ne sait pas ce qu’on y entend par musique classique. Est‑ce le style classique ? Si c’est le cas, il n’y avait pas lieu de mentionner Győrgy Ligeti. Est‑ce ce courant de la musique occidentale marqué par une certaine complexité, même si elle est discutable dans certains cas, et qui part grosso modo du Moyen Age jusqu’aux musiques sérielles, post‑sérielles ou répétitives d’aujourd’hui, à ces pages où la barre de mesure n’a plus grand sens ? Si c’est le cas, on ne comprend guère ce cours sur la tonalité ou la forme sonate, qui de surcroît ne sert à rien pour apprécier ce qu’on entend. Ecrire alors que la musique classique suscite des émotions fortes, bouleversantes, voire dérangeantes ne peut emporter l’adhésion que chez le mélomane déjà convaincu tout en n’expliquant rien.


Jean-Jacques Griot indique qu’on se pose beaucoup moins de questions avec les autres arts. Ah, bon ? N’a‑t‑il pas fréquenté les étals des librairies où l’on propose de multiples cheminements pour mieux apprécier la peinture ou l’art contemporain ?


Il aggrave son cas en expliquant l’organisation de partitions que l’auditeur normalement constitué n’a évidemment pas sous les yeux : « les instruments à vent en haut, et les instruments à cordes dans la partie basse » (p. 44). Il présente les tonalités, les modulations et les modes majeur et mineur, carcan dont des compositeurs sont sortis depuis plus d’un siècle. Il définit le pizzicato comme une « technique de jeu qui consiste à frotter les cordes avec un doigt, au lieu de le faire glisser avec un archet » (p. 74) alors qu’il s’agit de la pincer. Il emploie des mots, comme souvent chez les musicologues, sans les définir. Par exemple, arpège (p. 91). Et il se laisse aller : « si le premier groupe est dans une tonalité majeure, le deuxième groupe sera dans la tonalité dominante » (p. 97) ou en présentant une copie d’une partition manuscrite illisible de Händel (p. 108).


Il illustre quelques instruments avec des photographies minuscules et non légendées au point qu’on pourrait se demander quel son produit le capuchon du bec de la clarinette (p. 137). Le cor anglais est aussi crédité d’un pavillon « conique », ce qui laisse penser qu’un cours de géométrie n’aurait pas été superflu. On ne voit ensuite pas l’intérêt pour l’auditeur de connaître les notations latines et anglo‑saxonnes pour apprécier la musique.


L’auteur consacre à la fin de l’ouvrage quelques pages à la musique baroque (donc pas « classique »...) mais ne dit pas un mot de la révolution dodécaphonique. Et il termine en présentant quelques dates de l’histoire de la musique (avec La Muette de Portici d’Auber mais sans le Pierrot lunaire de Schönberg) articulé selon les régimes constitutionnels français, ce qui n’a évidemment aucun sens pour comprendre le Festival de Bayreuth ou l’interdiction de l’éviration (p. 213).


Bref, on ne retiendra pas grand‑chose de l’ouvrage. Tout au plus, peut‑on en dégager de courtes mais intéressantes pages sur la façon d’applaudir selon les pays et les périodes historiques.


Pour goûter à la peinture, il faut aller dans les musées. On sera donc d’accord avec l’auteur : pour apprécier la musique, l’approfondir, il faut en écouter... sans modération. C’est préférable à la lecture de ce livre, largement inutile et incertain.


Stéphane Guy

 

 

 

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