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04/15/2001 Michel Schneider Musiques de Nuit
Editions Odile Jacob, 2001, 350 p. 160 F, 24,39 €
Sous le titre Musiques de nuit, Michel Schneider poursuit la quête entamée avec deux magnifiques petits livres : Glenn Gould, piano solo et La Tombée du Jour, Schumann. Qu'est-ce que la musique ? Que touche-t-elle en nous ? Que cherchons nous en elle ? Le présent recueil regroupe sur ce thème central une importante série d'articles et de courts essais. Certains déjà parus dans le Monde de la Musique, dans Piano ou dans des revues diverses, d'autres inédits. L'élément unificateur est donc l'interrogation constante de Michel Schneider sur le sens de la musique, Michel Schneider dont il est important de signaler ici qu'il est à la fois musicien très averti et psychanalyste. Qu'on se rassure : il ne se livre en rien dans ces pages à des interprétations psychanalytiques d'oeuvres ou de symptômes de musicien ; il se défend de faire de la psychocritique, et s'il rapproche musique et psychanalyse c'est « en interprète, mais plus au sens musical qu'analytique. »
Parmi les très nombreux thèmes abordés, on retiendra tout particulièrement de nouvelles et fort belles pages sur Schumann dont on peut dire que sa musique et sa destinée hantent l'auteur, un essai sur les rapports très complexes qui unirent Brahms aux deux Schumann, Robert et Clara, une étude tout à fait passionnante sur Busoni et la transcription, à l'heure même ou sort un très intéressant disque de Kun-Woo Paik consacré précisément à une anthologie de ses transcriptions de Bach (voir notre critique de ce disque dans la section CD). Schubert aussi inspire Michel Schneider et en particulier à travers le thème du « wanderer » qui fait l'objet d'un chapitre très fouillé l'abordant tant dans la littérature que dans la musique. On ne peut tout citer bien entendu mais on notera tout particulièrement les pages consacrées à la musique dans les camps de concentration et à la fameuse apostrophe d'Adorno « après Auschwitz, toute culture est ordure ». L'écrivain fait aussi surgir de la nuit quelques figures oubliées de la musique, et s'interroge sur le silence dans lequel ont sombré certains interprètes et certains compositeurs. Et étudie enfin le rapport à la musique de quelques grandes figures de la philosophie ou de la littérature : Wittgenstein, Thomas Bernhard et Louis-René des Forêts.
Le texte de Michel Schneider interroge, émeut, bouleverse même parfois pas la densité de ses questions, la profondeur de ses vues. Toutefois, le présent recueil n'échappe pas complètement à l'écueil tout à fait récurrent de la compilation d'articles. Bien sûr, l'auteur a accompli un important travail de réécriture de ce qui était déjà publié ; il a ajouté de nombreux inédits et a structuré l'ensemble selon de grands axes. Néanmoins, l'ensemble peine à trouver sa cohérence, cette cohérence et cette unité qui faisaient la force des écrits monothématiques de Michel Schneider. En revanche, aspect positif de ces montages, ils permettent de disposer de nombreux textes éparpillés dans des revues pas toujours très accessibles.
On peut dire qu'avec ces textes Michel Schneider démontre une fois encore la qualité de son écoute, une écoute dont on se plait à penser qu'elle à quelque chose à voir avec celle de l'analyste, une écoute différente qui « flotte » loin du détail du vécu (ici ce serait la "technique" du compositeur ou de l'interprète) pour mieux entendre l'essentiel, souvent caché derrière les mots ou les notes.
Florence Trocmé
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