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08/30/2019
Hélène Routier: Offenbach mis en scène par Laurent Pelly – Une esthétique métakitsch
L’Harmattan – 240 pages – 24,50 euros





«C’est kitsch!»: probablement avez-vous déjà entendu un spectateur amusé ou dégoûté utiliser cette expression pour qualifier une mise en scène d’opéra. Pour Hélène Routier, docteure de la Sorbonne et enseignante à l’Université de Lille, le kitsch est un sujet d’étude des plus sérieux au théâtre et à l’opéra. Dans certaines mises en scène, le kitsch, terme souvent dépréciatif, relève, en effet, d’une esthétique délibérée et porteuse de sens.


Hélène Routier analyse le kitsch dans cinq mises en scène de Laurent Pelly, Orphée aux enfers (créée à Genève en 1997), La Belle Hélène (Paris, 2000), La Grande-duchesse de Gérolstein (Grenoble 2004), La Vie parisienne (Lyon, 2007) et Le Roi Carotte (Lyon, 2015). Il est vrai que l’opéra-bouffe et l’opérette constituent, dans l’esprit de beaucoup de personnes, des genres indissociables du kitsch. L’auteure définit d’abord ce terme avant de présenter la notion de métakitsch, principe consistant, pour simplifier, à s’approprier ce qui relève du kitsch dans les procédés et les objets, et ceci au second degré, afin de conférer une certaine épaisseur interprétative aux spectacles, ce qui les rend moins superficiels qu’ils ne paraissent de prime abord. Il est bien connu qu’Offenbach recourt à la parodie et à la satire, ce que Pelly traduit avec talent dans ses scénographies et sa direction d’acteur en recourant au kitsch, même s’il ne revendique pas expressément ce concept. La chercheuse prouve que le kitsch se retrouve à tous les niveaux, dans les décors et les accessoires, mais également dans les costumes et le jeu scénique, souvent caricaturés et pastichés.


La démonstration pourrait convaincre en deux dizaines de pages, mais Hélène Routier en a besoin de dix fois plus, chaque opéra faisant l’objet d’un chapitre, structuré chacun à l’identique: présentation de l’œuvre et de la mise en scène, description détaillée de chaque acte et examen du spectacle dans ses moindres recoins afin de tenter de déceler la moindre trace de kitsch. A chaque fois, l’auteure applique rigoureusement la même grille d’analyse, afin d’éviter «de voir du kitsch partout»: c’est qu’il s’agit de déceler ce qui correspond à du kitsch au second degré de manière scientifique, en examinant le décalage spatio-temporel, l’ironie et la théâtralité particulière que ce procédé produit. Bref, le kitsch se hisse au rang de principe artistique à part entière et renouvelle les formes théâtrales, tout en divertissant – intelligemment – le spectateur, ce dernier étant invité à exercer son esprit critique, notamment sur notre société de consommation.


Malgré son caractère répétitif et universitaire (copieuses notes de bas de pages et abondante bibliographie), cette étude demeure accessible et porte un éclairage pertinent sur les mises en scène de Laurent Pelly. Elle fait prendre une fois de plus conscience du potentiel dramaturgique et théâtral des ouvrages lyriques d’Offenbach et incite aussi à ne plus utiliser le mot «kitsch» à tort et à travers. Ainsi, après une représentation d’opéra kitsch au second degré, il vaut mieux dire à votre voisin ou votre voisine: «C’est métakitsch!».


Sébastien Foucart

 

 

 

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