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05/05/2019
Médée
Avec les contributions de Chantal Cazaux, Julien Garde, Gérard Condé, Alessandro Di Profio, Yaël Hêche, André Tubeuf, Zoé Schweitzer, Didier van Moere et Alfred Caron
Avant-Scène Opéra n° 304 – 114 pages – 28 euros





Luigi Cherubini fut un compositeur ô combien prolifique mais Médée est pourtant le seul de ses opéras qui figure actuellement dans la collection de L’Avant-Scène Opéra: peut-être parce que l’interprétation dont il fit l’objet (on va y revenir) est la plus légendaire qui soit et suffit à elle seule à éclipser les autres œuvres lyriques de ce compositeur.


«Représenté sur le Théâtre de la rue Faydeau [sic] le 23 Ventôse, Au 13 mars 1797 vieux style» comme le proclame la page de garde d’une édition de l’époque, le drame de Médée est fondé sur un livret de François-Benoît Hoffman (dont le nom prenait alors deux n et dont on ne sait trop pourquoi le présent numéro l’a réduit à un seul), surtout connu pour avoir collaboré à de nombreux ouvrages lyriques de Méhul, livret qui s’inspirait bien entendu de la tragédie-phare d’Euripide. L’ouvrage fut très bien accueilli à l’époque: «Poursuis, Cherubini, ta brillante carrière, Chaque jour te conduit à l’immortalité […] Par tes accords divins, on se sent transporté: De Médée en fureur tu peins si bien la fable, Qu’elle prend à nos yeux l’air de la vérité» écrivait ainsi pompeusement Chevalier dans Le Courrier des Spectacles du 24 Ventôse. Pourtant, après de nombreuses représentations, de nombreux observateurs multiplièrent les critiques acerbes à l’encontre d’un opéra où l’on se plaisait à en souligner certaines longueurs et incohérences: l’ouvrage tomba dans l’oubli dès le début du XIXe siècle. Pour autant, et de façon quelque peu paradoxale, il n’en demeure pas moins que c’est sans aucun doute un des opéras les plus connus du répertoire français au tournant des XVIIIe et XIXe siècles.


C’est donc cette histoire que nous raconte ce numéro de L’Avant-Scène avec, pour commencer, un guide d’écoute parfaitement détaillé comme à son habitude sous la plume de Julien Garde, lequel souligne à juste titre combien le personnage brossé par Hoffman et Cherubini «redéfinit la question de la vengeance inhérente au mythe». Qu’elle se confronte, ivre de fureur, à Jason à la fin du premier acte, ou à Créon en lui semblant soumise au début du deuxième, c’est bien un personnage ô combien manipulateur qui ressort de cette analyse minutieuse, qui rappelle en plus d’une occasion la parenté de l’ouvrage avec ceux de Gluck notamment. Le deuxième article à lire est sans aucun doute celui de Zoé Schweitzer qui, consacré au mythe de Médée, en souligne les caractères adaptables au fil des époques, ce qui explique sans doute qu’elle ait inspiré tant d’ouvrages lyriques. Si les articles de Gérard Condé (une rapide biographie de Cherubini, né, rappelons-le, en 1760 et mort en 1842, article complété par celui de Yaël Hêche sur l’originalité artistique de Cherubini, au carrefour des cultures italienne et française) et d’André Tubeuf (sur la notion même de «tragédienne») sont à nos yeux quelque peu secondaires, on retiendra en revanche l’excellente contribution d’Alessandro Di Profio qui traite principalement de l’insertion de Médée dans le paysage opératique français (fournissant un superbe exemple de ce que les Allemands qualifièrent chez nous de Schreckensoper ou «Opéra de terreur»).


C’est à Didier van Moere que revient la lourde tâche de nous conseiller une version discographique. «Lourde tâche»: oui et non en fait, si l’on considère que Maria Callas a en quelque sorte «tué le match», sa seule rivale étant finalement elle-même selon que l’on prend en considération telle ou telle version (pas moins de six disponibles!). Si l’auteur se garde bien de donner une version, il semblerait néanmoins que ce soit celle dirigée par Thomas Schippers (Myto), dans laquelle Callas (qui «s’est identifiée à Médée» pour reprendre les mots très justes de Didier van Moere) a notamment pour partenaires John Vickers (Jason) et Nicolai Ghiaurov (Créon), qui l’emporte. Quant à une représentation filmée, Alfred Caron nous laisse finalement choisir entre deux versions où le rôle-titre est respectivement tenu par Anna Caterina Antonacci (Turin, 2008, DVD Hardy) et Nadja Michael (Bruxelles, 2011, DVD BelAir Classiques). De quoi satisfaire tous les yeux et toutes les oreilles!


Sébastien Gauthier

 

 

 

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