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08/13/2015
Gilbert Amy : le temps du souffle - textes et essais sur sa musique
Pierre Michel (coordination), textes et essais de Jésus Aguila, Gilbert Amy, François Bayle, Bruno Bossis, Jean-Jacques Di Tucci, Beat Föllmi, Bruno Gillet, Daniel Kawka, Franck Krawczyk, Pierre Michel, Jean-Claude Risset, entretiens de Pierre Michel avec Claude Delangle et Jean-François Heisser
Symétrie, en collaboration avec Labex GREAM – 184 pages – 29 €
Ouvrage complété par le DVD du film Résidences. Gilbert Amy, le temps du souffle, Christophe Cerdan (réalisateur) – 52’20
 Sélectionné par la rédaction
Le rayonnement musical de Gilbert Amy (né en 1936) ouvre sur un vaste champ. Compositeur, chef d’orchestre, pianiste, organiste, professeur, fondateur du Nouvel Orchestre philharmonique de Radio France (1976), dont il fut le directeur artistique jusqu’en 1981 et directeur du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon de 1984 à 2000, il a touché de nombreux musiciens et mélomanes. En janvier 2012, il participa à la journée organisée au CNSM de Paris, Gilbert Amy - Regards croisés sur son œuvre aujourd’hui, d’où sont issus la majorité des textes de cet ouvrage, et, en mars 2012, il était en résidence à l’université et au conservatoire de Strasbourg, comme sa propre contribution et le film de Cerdan en témoignent.
Les contributions se classent très logiquement en trois groupes, les premières mettant en avant les éléments-clefs de l’œuvre de Gilbert Amy, et les deuxièmes révélatrices de l’homme, du musicien et du pédagogue en action. En troisième lieu viennent le texte fouillé et poétique de Daniel Kawka, chef d’orchestre ardent et engagé, et les témoignages de deux interprètes de sa musique, Claude Delangle et Jean-François Heisser, leur regard technique et intime soulignant la nécessité accrue d’une implication personnelle. Kawka propose une remarquable analyse du point de vue de la direction et de l’exécutant de trois œuvres emblématiques – Après... D’un désastre obscur, Echos XIII et La Variation ajoutée – l’ensemble illustré d’extraits de partition judicieusement choisis, avec en conclusion une belle évocation très pertinente de la musique de Gilbert Amy en général.
Bruno Gillet, Pierre Michel, François Bayle, Bruno Bossis et Beat Föllmi se concentrent sur des œuvres majeures du compositeur, vocales, orchestrales ou à part telles Une saison en enfer et Litanies pour Ronchamp. Ils insistent sur la recherche timbrale et sonore qui aboutit à une spatialisation des exécutants, à des groupements instrumentaux et à une fusion absolue entre les instruments et l’électronique quand Amy y a recours. Avec beaucoup de finesse, ils font ressortir l’adresse des structures composites, le traitement inventif sans cesse renouvelé des matériaux, des processus et des situations polyphoniques, et toute l’intelligence «éclaboussée» d’une continuité retrouvée dans une atonalité libre.
En fin de première partie vient le texte de la conférence donnée par le compositeur à Strasbourg, le ton détendu, l’expression rigoureuse. En plus d’une glose sur les termes «performance», «temps» et «souffle», Amy évoque les préoccupations typiques relevant de la genèse actuelle d’une œuvre composée en dehors des formes archétypales d’autrefois et il expose avec clarté l’esprit, la facture et les objectifs des quatre œuvres présentées au concert à Strasbourg en sa présence, Jeux en plus des trois du film mentionnées ci-dessous.
Le compositeur Jean-Claude Risset, heureux de participer, décrit subjectivement les lignes convergentes de son approche personnelle et de celle de Gilbert Amy dont il admire «la vision poétique exigeante» et l’équilibre atteint «entre complexité et lisibilité, discipline et liberté». Jean-Jacques Di Tucci, autrefois élève d’Amy, s’attaque à la problématique de la transmission d’un savoir qui, dans l’idéal et chez Amy, prône la discipline, l’exigence et la cohérence tout en respectant les individualités créatrices. Visiblement touché, Franck Krawczyk rend hommage à Gilbert Amy, professeur, au travers des notions essentielles reçues de son enseignement en classe... grâce à la «classe» même qu’il trouve au compositeur et qu’il sait démontrer très clairement. Jésus Aguila fait comprendre les raisons profondes de la cessation des activités du Domaine musical, fondé en 1954, dont Amy avait assumé la direction en 1967 et dont la formule ne correspondait plus en 1973 aux besoins et à la réalité sociale et politique d’un monde musical qui avait évolué.
Le style et le ton des interlocuteurs vivent, les uns plus personnels, les autres peut-être plus abstraits, les mots tous ressentis, tous apportant un éclairage précieux, instructif et rigoureusement analytique. Sans aucun doute, l’ouvrage suscite chez le lecteur le désir urgent de redécouvrir et de découvrir encore en profondeur les œuvres de ce compositeur remarqué et remarquable.
Le film propose les enregistrements en direct, au cours du concert du 29 mars 2012, de D’un désastre obscur (1971) pour mezzo-soprano et clarinette, Le Temps du souffle I (1993-1996) pour duo de clarinettes (prenant clarinette en la et cor de basset) et Le Temps du souffle II (1994) pour saxophone, trombone et violon. Lors du travail de préparation, Gilbert Amy et Armand Angster (professeur de musique de chambre et de clarinette) ont guidé les jeunes interprètes des deux premières pièces – Cécile Lohmuller (mezzo-soprano) et Xavière Fertin, Marjorie Doukhan, Benjamin Mayer (clarinette) –, discutant plus librement avec Claude Delangle, Benny Sluchin et son fils Naaman Sluchin, les interprètes plus expérimentés de la troisième. En plus de deux premiers enregistrements mondiaux, l’intérêt du film réside dans les riches échanges entre Amy et les interprètes, en particulier le travail sur la sonorité, à la recherche du son et du timbre exacts.
Le site de Gilbert Amy
Christine Labroche
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